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Lire le livre - Bibliothèque

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Mais, pendant toute la séance, il n’eut aucun des gestes qu’el<strong>le</strong> appréhendait. Il setenait très raide sur son siège. El<strong>le</strong> remarqua qu’il se penchait en avant, comme s’ilétait fasciné par l’écran, à l’instant où la fil<strong>le</strong> entre dans la chambre du jeune chefd’orchestre et <strong>le</strong> tue à coups de revolver. El<strong>le</strong> éprouva une très vive sensation demalaise. El<strong>le</strong> avait brusquement imaginé Boyaval, <strong>le</strong> revolver à la main, entrant danssa chambre de la rue du Président-Favre.À la sortie du cinéma, il lui avait proposé de la raccompagner chez el<strong>le</strong>. Il avait unevoix douce, une timidité qu’el<strong>le</strong> ne lui connaissait pas. Ils marchaient côte à côte et ilne lui faisait pas la moindre avance. De nouveau, il voulait l’emmener un après-midi àLa Clusaz pour une <strong>le</strong>çon de ski. El<strong>le</strong> n’osait pas refuser de peur qu’il ne retrouve samauvaise humeur. Ils avaient dépassé la promenade du Pâquier et ils étaient à lahauteur de la villa Schmidt.- Vous avez un petit ami ?El<strong>le</strong> ne s’attendait pas qu’il lui pose une tel<strong>le</strong> question. El<strong>le</strong> répondit : non. C’était plusprudent. El<strong>le</strong> se rappelait la scène du film où la fil<strong>le</strong> tire à coups de revolver, parjalousie.Depuis ce moment, et jusqu’à ce qu’ils soient arrivés devant l’immeub<strong>le</strong>, il était deplus en plus fébri<strong>le</strong> mais il gardait <strong>le</strong> si<strong>le</strong>nce. El<strong>le</strong> se demandait s’il avait l’intention demonter dans sa chambre. El<strong>le</strong> avait décidé de ne pas <strong>le</strong> contrarier. Pour se sentir ducourage, el<strong>le</strong> se répétait à el<strong>le</strong>-même un conseil que lui avait donné une fil<strong>le</strong> aupensionnat et qu’el<strong>le</strong> avait souvent suivi : Ne pas faire de vagues. El<strong>le</strong> s’arrêta devantla porte de l’immeub<strong>le</strong>.- Vous montez ?El<strong>le</strong> avait décidé de crever l’abcès. El<strong>le</strong> voulait savoir comment réagirait ce type qui laharcelait sans qu’el<strong>le</strong> s’explique très bien sa manière d’être. Au moins, el<strong>le</strong> seraitfixée.Il eut un mouvement de recul et el<strong>le</strong> fut frappée par l’expression de son regard, uneexpression de ressentiment qu’el<strong>le</strong> surprendrait souvent par la suite, quand il lèverait<strong>le</strong>s yeux sur el<strong>le</strong>, un ressentiment dont, chaque fois, el<strong>le</strong> avait envie de lui demanderla raison.Tu n’as pas honte de me par<strong>le</strong>r comme ça ?Il l’avait dit d’un ton sévère mais d’une curieuse voix de fausset.El<strong>le</strong> reçut la gif<strong>le</strong> sur sa joue gauche, sans qu’el<strong>le</strong> s’y attende. C’était la première gif<strong>le</strong>depuis <strong>le</strong> pensionnat. El<strong>le</strong> resta un instant hébétée. D’un geste machinal, el<strong>le</strong> posa undoigt à la commissure de ses lèvres pour voir si el<strong>le</strong> saignait. Maintenant, el<strong>le</strong> luifaisait face, et el<strong>le</strong> eut <strong>le</strong> sentiment que c’était lui qui était sur la défensive. El<strong>le</strong>s’entendit lui dire, d’une voix froide :- Vous ne vou<strong>le</strong>z vraiment pas ? C’est drô<strong>le</strong>… Vous avez peur de monter ? Dites-moipourquoi vous avez peur.Un hibou, aveuglé par la lumière. Il reculait devant el<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> <strong>le</strong> regardait s’éloigner,d’une démarche saccadée, <strong>le</strong> long de la rue. Là-bas, il finissait par se confondre avec<strong>le</strong> mur sombre du haras. Il allait se dissiper dans l’air. El<strong>le</strong> se disait qu’el<strong>le</strong> n’entendraitplus jamais par<strong>le</strong>r de lui.

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