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Lire le livre - Bibliothèque

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etrouvé <strong>le</strong> bail d’origine. Oui, c’était bien ça : la librairie et <strong>le</strong>s éditions du Sablieravaient succédé au garage de l’Ang<strong>le</strong>.Un escalier large, à rampe de fer, menait de la librairie à l’entresol qu’avaient jadisoccupé <strong>le</strong>s bureaux de la maison d’édition. Sur la porte de droite, une plaque decuivre avec <strong>le</strong> nom gravé de l’éditeur : « Lucien Hornbacher ». Un couloir. Puis unsalon assez sombre que Bosmans appelait <strong>le</strong> salon-fumoir. Un canapé et desfauteuils de cuir foncé. Des cendriers sur des trépieds. Le sol était recouvert d’un tapispersan. Et, tout autour, des bibliothèques vitrées.El<strong>le</strong>s contenaient tous <strong>le</strong>s ouvrages publiés au cours des vingt années de <strong>le</strong>urexistence par <strong>le</strong>s éditions du Sablier.Il passait souvent <strong>le</strong> début de l’après-midi dans l’ancien bureau de Lucien Hornbacher.De la fenêtre, on voyait, par la percée de l’avenue Reil<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s premiers arbres du parcMontsouris. Il laissait la porte ouverte pour entendre la sonnerie grê<strong>le</strong> qui annonçait,chaque fois, la venue d’un client au rez-de-chaussée. Le bureau était petit maismassif, avec, de chaque côté, de nombreux tiroirs. Le fauteuil pivotant n’avait paschangé depuis l’époque de Lucien Hornbacher. Un divan contre <strong>le</strong> mur, en face de lafenêtre, recouvert de velours b<strong>le</strong>u nuit. Au milieu du bureau, un sablier, l’emblème dela maison d’édition. Bosmans avait remarqué qu’il portait la marque d’un grand joaillieret il s’était étonné qu’on ne l’ait pas volé, depuis tout ce temps. Il avait l’impressiond’être <strong>le</strong> gardien d’un lieu désaffecté. Lucien Hornbacher avait disparu pendant laguerre et, vingt ans après, Bourlagoff, <strong>le</strong> comptab<strong>le</strong>-gérant, qui venait régulièrement àla librairie, parlait toujours à demi-mot de cette disparition. C’était un homme d’unecinquantaine d’années, <strong>le</strong>s cheveux poivre et sel coupés en brosse, <strong>le</strong> teint bronzé. Ilavait travaillé pour Hornbacher dans sa jeunesse. Jusqu’à quand la librairie pourraitel<strong>le</strong>subsister ? Chaque fois qu’il questionnait Bourlagoff sur l’avenir incertain desanciennes éditions du Sablier, Bosmans n’obtenait jamais de réponses précises.Les <strong>livre</strong>s jadis publiés par Lucien Hornbacher remplissaient <strong>le</strong>s rayonnages de lalibrairie du rez-de-chaussée. Une grande partie d’entre eux traitaient de l’occultisme,des religions orienta<strong>le</strong>s et de l’astronomie. Le catalogue comptait aussi des travauxd’érudition sur des sujets divers. À ses débuts, Hornbacher avait édité quelquespoètes et quelques auteurs étrangers. Mais <strong>le</strong>s clients qui s’aventuraient encore dansla librairie s’intéressaient pour la plupart aux sciences occultes et venaient y chercherdes ouvrages introuvab<strong>le</strong>s ail<strong>le</strong>urs que Bosmans allait souvent puiser dans la réserve.Comment avait-il trouvé ce travail ? Un après-midi qu’il se promenait près de chez lui,dans <strong>le</strong> quatorzième, l’enseigne, à moitié effacée au-dessus de la vitrine, Éditions duSablier, avait attiré son attention. Il était entré. Bourlagoff se tenait assis derrière latab<strong>le</strong>. La conversation s’était engagée. On cherchait quelqu’un pour rester dans lalibrairie quatre jours par semaine… Un étudiant. Bosmans lui avait dit que celal’intéressait, mais qu’il n’était pas étudiant. Aucune importance. On lui donnerait, pource travail, deux cents francs par semaine.La première fois que Margaret lui avait rendu visite sur <strong>le</strong> lieu de son travail, c’était unsamedi d’hiver enso<strong>le</strong>illé. Par la fenêtre du bureau d’Hornbacher, il l’avait vue, là-bas,au tournant de l’avenue Reil<strong>le</strong>. Il se souvenait qu’el<strong>le</strong> avait hésité un moment. El<strong>le</strong>s’était arrêtée sur <strong>le</strong> trottoir, regardant de gauche à droite, vers <strong>le</strong>s deux côtés del’avenue, comme si el<strong>le</strong> avait oublié <strong>le</strong> numéro de la librairie. Puis el<strong>le</strong> avait repris sonchemin. El<strong>le</strong> avait dû repérer de loin la vitrine. À partir de ce jour-là, chaque fois qu’ilsse donnaient rendez-vous aux anciennes éditions du Sablier, il la guettait, de lafenêtre. El<strong>le</strong> ne cesse de marcher à sa rencontre sur <strong>le</strong> trottoir en pente de l’avenueReil<strong>le</strong> dans une lumière limpide d’hiver quand <strong>le</strong> ciel est b<strong>le</strong>u, mais cela pourrait êtreaussi l’été puisque l’on aperçoit, tout au fond, <strong>le</strong>s feuillages des arbres du parc. Il p<strong>le</strong>ut

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