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Lire le livre - Bibliothèque

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des Terreaux jusqu’au quai Saint-Vincent, <strong>le</strong> long de la Saône. El<strong>le</strong> sent bien quequelqu’un l’accompagne de loin, mais el<strong>le</strong> ne peut pas l’identifier à cause de la brume.Son père qu’el<strong>le</strong> n’a jamais connu ? El<strong>le</strong> traverse <strong>le</strong> pont et se retrouve place Saint-Paul. El<strong>le</strong> ne détache pas <strong>le</strong>s yeux de la grande horloge lumineuse de la gare. El<strong>le</strong>attend quelqu’un, sur <strong>le</strong>s quais, un train qui vient d’Al<strong>le</strong>magne. Sa mère se marie avecun garagiste de la Croix-Rousse qu’el<strong>le</strong> n’aime pas. Pensionnats à Thônes et à LaRoche-sur-Foron. El<strong>le</strong> coupe définitivement <strong>le</strong>s ponts avec sa mère. À Annecy, el<strong>le</strong>obtient ses premiers emplois chez Zuccolo et, l’été, à la buvette du Sporting. El<strong>le</strong> estengagée comme serveuse chez Fidè<strong>le</strong> Berger et travail<strong>le</strong> à la librairie de la Poste. Onne veut pas d’el<strong>le</strong> à l’hôtel d’Ang<strong>le</strong>terre. El<strong>le</strong> occupe une place de gouvernante àLausanne auprès des deux enfants d’un monsieur Michel Bagherian.Une fil<strong>le</strong> marchait devant Bosmans en poussant une voiture d’enfant et el<strong>le</strong> avait, dedos, la même silhouette que Margaret. Il ne connaissait pas ce parc, surl’emplacement des anciens entrepôts de Bercy. Là-bas, de l’autre côté de la Seine, <strong>le</strong>long du quai qui ne s’appelait plus de la Gare, des gratte-ciel. Il <strong>le</strong>s voyait pour lapremière fois. C’était un autre Paris que celui qui lui était familier depuis son enfanceet il avait envie d’en explorer <strong>le</strong>s rues. Cette fil<strong>le</strong>, devant lui, ressemblait vraiment àMargaret. Il la suivait tout en gardant entre el<strong>le</strong> et lui la même distance. La voitured’enfant qu’el<strong>le</strong> poussait d’une seu<strong>le</strong> main était vide. À mesure qu’il traversait <strong>le</strong> parcsans la quitter des yeux, il finissait par se persuader que c’était Margaret. Il avait lu, laveil<strong>le</strong>, un roman de science-fiction, Les Corridors du temps. Des gens étaient amisdans <strong>le</strong>ur jeunesse, mais certains ne vieillissent pas, et quand ils croisent <strong>le</strong>s autres,après quarante ans, ils ne <strong>le</strong>s reconnaissent plus. Et d’ail<strong>le</strong>urs il ne peut plus y avoiraucun contact entre eux : Ils sont souvent côte à côte, mais chacun dans un corridordu temps différent. S’ils voulaient se par<strong>le</strong>r, ils ne s’entendraient pas, comme deuxpersonnes qui sont séparées par une vitre d’aquarium. Il s’était arrêté et la regardaits’éloigner en direction de la Seine. Il ne sert à rien que je la rattrape, pensa Bosmans.El<strong>le</strong> ne me reconnaîtrait pas. Mais un jour, par mirac<strong>le</strong>, nous emprunterons <strong>le</strong> mêmecorridor. Et tout recommencera pour nous deux dans ce quartier neuf.Il longeait maintenant la rue de Bercy.Il était entré la veil<strong>le</strong> dans l’un de ces cafés où l’on consulte Internet. Le nom «Boyaval », qu’il avait oublié ou plutôt qui étai resté « dormant », comme <strong>le</strong>s noms detrès anciennes famil<strong>le</strong>s de l’aristocratie anglaise qui disparaissent pendant des sièc<strong>le</strong>sparce qu’el<strong>le</strong>s n’ont plus de descendants, mais ressurgissent un jour, brusquement,sur l’état civil de nouveaux venus, ce nom, Boyaval, était reparu du fond du passé.Une météorite tombée devant lui au bout de quarante ans de chute. Il avait tapé sur <strong>le</strong>clavier : « Pages blanches ». Puis : « Boyaval ». Un seul Boyaval à Paris et danstoute la France. Boyaval Alain. Agence immobilière, 49 rue de Bercy.Dans la vitrine étaient exposées, sur un panneau, des photos avec <strong>le</strong>s prix desappartements à vendre. Il poussa la porte. Un homme était assis au fond de l’agence,derrière un bureau métallique. À droite, plus près de la vitrine, une jeune fil<strong>le</strong> rangeaitdes dossiers sur des étagères.- Monsieur Boyaval ?- Lui-même.Bosmans se tenait là, figé, devant <strong>le</strong> bureau. Il ne savait quoi dire. L’autre avait <strong>le</strong>vé latête vers lui. C’était un homme aux cheveux blancs coiffés en brosse longue, aux yeuxgris.

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