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d’insouciance dans un pays neutre, au bord d’un lac enso<strong>le</strong>illé. Mais bientôt c’est <strong>le</strong>rappel à l’ordre. Non, on ne s’en tire pas aussi faci<strong>le</strong>ment. À l’instant où <strong>le</strong> feuchangeait, el<strong>le</strong> l’aurait écrasé sans <strong>le</strong> moindre remords si el<strong>le</strong> avait été sûre del’impunité. Il s’était rapproché et tapa du poing contre <strong>le</strong> capot. Il se penchait commes’il voulait col<strong>le</strong>r son visage à la vitre. Le sourire n’était plus qu’un rictus. El<strong>le</strong> étouffait.El<strong>le</strong> démarra brusquement. Plus loin, el<strong>le</strong> baissa la vitre pour respirer à l’air libre. El<strong>le</strong>éprouvait une légère nausée. El<strong>le</strong> ne s’engagea pas à gauche, dans <strong>le</strong> chemin deBeau-rivage, mais continua, tout droit. El<strong>le</strong> se sentit mieux quand el<strong>le</strong> arriva au borddu lac. Sur <strong>le</strong> large trottoir de la promenade, des touristes qui venaient de sortir d’uncar marchaient en groupe, paisib<strong>le</strong>ment. L’homme qui semblait <strong>le</strong>s guider <strong>le</strong>urdésignait, là- bas, <strong>le</strong>s rives de la France. Les premiers jours, el<strong>le</strong> aussi regardait, de laterrasse de l’appartement de Bagherian, l’autre côté du lac et el<strong>le</strong> pensait que Boyavaln’était pas si loin, à une centaine de kilomètres. El<strong>le</strong> l’imaginait retrouvant sa trace etprenant l’un des bateaux qui font la navette entre Évian et Lausanne. El<strong>le</strong> aussi avaitenvisagé de gagner la Suisse par l’un de ces bateaux. El<strong>le</strong> se disait que la frontièreserait plus faci<strong>le</strong> à franchir. Et d’ail<strong>le</strong>urs, existait-il une frontière sur ce lac ? Pourquoiavait-el<strong>le</strong> peur qu’on ne la retienne à la frontière ? Et puis, dans un mouvementd’impatience, el<strong>le</strong> était montée dans <strong>le</strong> car, à la gare routière d’Annecy. Ça irait plusvite. Qu’on en finisse une fois pour toutes.El<strong>le</strong> fit demi-tour, reprit l’avenue d’Ouchy et gara la voiture dans l’allée au lieu de larentrer au garage. Quand el<strong>le</strong> poussa <strong>le</strong> portail, el<strong>le</strong> regretta de ne pas avoir une clépour <strong>le</strong> fermer derrière el<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> était seu<strong>le</strong> dans l’appartement. Bagherian nereviendrait de son bureau que vers cinq heures du soir.El<strong>le</strong> s’assit sur <strong>le</strong> canapé du salon. Aurait-el<strong>le</strong> la patience de l’attendre ? La panique lagagnait à l’idée que Boyaval connaissait peut-être son adresse. Mais non, il était làpour une autre raison. Comment aurait-il su qu’el<strong>le</strong> se trouvait en Suisse ? À moinsque quelqu’un n’ait surpris la conversation qu’el<strong>le</strong> avait eue en avril, à Annecy, dans <strong>le</strong>hall de l’hôtel d’Ang<strong>le</strong>terre, avec ce brun d’environ trente-cinq ans, plutôt bel hommeet qui lui avait confié qu’il cherchait une jeune fil<strong>le</strong> pour s’occuper de ses enfants… Illui avait laissé son adresse et son numéro de téléphone au cas où cela l’intéresserait.Il n’avait sans doute pas d’enfants, il voulait simp<strong>le</strong>ment passer la soirée ou la nuitavec el<strong>le</strong>. Mais il n’avait pas insisté quand el<strong>le</strong> lui avait dit qu’el<strong>le</strong> avait un rendezvous.Le concierge était venu la chercher et l’avait emmenée dans un bureau où on luiavait annoncé que non, on n’avait pas de travail à lui donner à l’hôtel d’Ang<strong>le</strong>terre.El<strong>le</strong> était retournée dans <strong>le</strong> hall, mais <strong>le</strong> type n’était plus là. Sur <strong>le</strong> bout de papier, ilavait écrit : Michel Bagherian. 5 chemin Beaurivage. Lausanne. Tél. 320.12.51.L’une des portes-fenêtres du salon était entrouverte. El<strong>le</strong> se glissa sur <strong>le</strong> balcon ets’appuya à la balustrade. En bas, <strong>le</strong> chemin de Beaurivage, une petite rue qui menaità l’hôtel du même nom, était désert. El<strong>le</strong> avait garé la voiture juste en face del’immeub<strong>le</strong>. Il risquait de la reconnaître et peut-être avait-il retenu <strong>le</strong> numérod’immatriculation. Tout était calme, <strong>le</strong> trottoir enso<strong>le</strong>illé, on entendait bruire <strong>le</strong> feuillagedes arbres. Il y avait un tel contraste entre cette rue paisib<strong>le</strong> et la silhouette deBoyaval, <strong>le</strong> manteau noir trop ajusté, <strong>le</strong> visage à la peau grêlée, <strong>le</strong>s mains comme desbattoirs sur ce corps trop maigre… Non, el<strong>le</strong> ne l’imaginait pas dans cette rue. El<strong>le</strong>avait été victime d’une hallucination tout à l’heure, comme dans ces mauvais rêves oùreviennent vous tourmenter <strong>le</strong>s peurs de votre enfance. De nouveau, c’est <strong>le</strong> dortoirdu pensionnat ou d’une maison de correction. Au réveil, tout se dissipe et vouséprouvez un tel soulagement que vous éclatez de rire.Mais là, dans ce salon, el<strong>le</strong> n’avait pas envie de rire. El<strong>le</strong> ne pourrait jamais sedébarrasser de lui. Toute sa vie, ce type à la peau grêlée et aux mains énormes lasuivrait dans <strong>le</strong>s rues et se tiendrait en sentinel<strong>le</strong>, devant chaque immeub<strong>le</strong> où el<strong>le</strong>

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