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Lire le livre - Bibliothèque

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- Vous croyez que je dois garder ce sparadrap ?El<strong>le</strong> frottait du doigt son arcade sourcilière et <strong>le</strong> pansement, au-dessus de cel<strong>le</strong>-ci.Bosmans était d’avis de garder <strong>le</strong> sparadrap jusqu’au <strong>le</strong>ndemain. Il lui demanda sic’était douloureux. El<strong>le</strong> haussa <strong>le</strong>s épau<strong>le</strong>s.- Non, pas très douloureux… Tout à l’heure j’ai cru que j’allais étouffer…Cette fou<strong>le</strong>, dans la bouche du métro, ces rames bondées, chaque jour, à la mêmeheure… Bosmans avait lu quelque part qu’une première rencontre entre deuxpersonnes est comme une b<strong>le</strong>ssure légère que chacun ressent et qui <strong>le</strong> réveil<strong>le</strong> de sasolitude et de sa torpeur. Plus tard, quand il pensait à sa première rencontre avecMargaret Le Coz, il se disait qu’el<strong>le</strong> n’aurait pas pu se produire autrement : là, danscette bouche de métro, projetés l’un contre l’autre. Et dire qu’un autre soir, au mêmeendroit, ils auraient descendu <strong>le</strong> même escalier, dans la même fou<strong>le</strong> et pris la mêmerame sans se voir… Mais était-ce vraiment sûr ?- J’ai quand même envie d’en<strong>le</strong>ver <strong>le</strong> sparadrap…El<strong>le</strong> essayait d’en tirer l’extrémité, entre pouce et index, mais el<strong>le</strong> n’y parvenait pas.Bosmans s’était rapproché d’el<strong>le</strong>.- Attendez… Je vais vous aider…Il tirait <strong>le</strong> sparadrap doucement, millimètre par millimètre. Le visage de Margaret LeCoz était tout près du sien. El<strong>le</strong> tâchait de sourire. Enfin, il réussit à l’ôtercomplètement, d’un coup sec. La trace d’un hématome, au-dessus de l’arcadesourcilière.Il avait laissé sa main gauche sur son épau<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> <strong>le</strong> fixait de ses yeux clairs.- Demain matin, au bureau, ils vont croire que je me suis battue…Bosmans lui demanda si el<strong>le</strong> ne pouvait pas prendre un congé de quelques joursaprès cet accident. El<strong>le</strong> lui sourit, apparemment émue d’une tel<strong>le</strong> naïveté. Dans <strong>le</strong>sbureaux de Richelieu Intérim on ne retrouvait plus sa place à la moindre absence.Ils marchèrent jusqu’à la place Pigal<strong>le</strong>, par <strong>le</strong> même chemin que suivait Bosmansquand il s’échappait des dortoirs du lycée Rollin. Devant la bouche du métro, il luiproposa de la raccompagner chez el<strong>le</strong>. Ne souffrait-el<strong>le</strong> pas trop de sa b<strong>le</strong>ssure ?Non. D’ail<strong>le</strong>urs, à cette heure-ci, <strong>le</strong>s escaliers, <strong>le</strong>s couloirs et <strong>le</strong>s rames étaient videset el<strong>le</strong> ne risquait plus rien.- Venez me chercher un soir, à sept heures à la sortie des bureaux, lui dit-el<strong>le</strong> de savoix calme, comme si désormais la chose allait de soi. Au 25 rue du QuatreSeptembre.Ni l’un ni l’autre n’avaient de stylo ou de papier pour écrire cette adresse, maisBosmans la rassura : il n’oubliait jamais <strong>le</strong> nom des rues et <strong>le</strong>s numéros desimmeub<strong>le</strong>s. C’était sa manière à lui de lutter contre l’indifférence et l’anonymat desgrandes vil<strong>le</strong>s, et peut-être aussi contre <strong>le</strong>s incertitudes de la vie.Il la suivait du regard pendant qu’el<strong>le</strong> descendait <strong>le</strong>s marches. Et s’il l’attendait pourrien, <strong>le</strong> soir, à la sortie des bureaux ? Une angoisse <strong>le</strong> prenait à la pensée qu’il ne

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