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Lire le livre - Bibliothèque

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quelquefois, mais la pluie ne semb<strong>le</strong> pas la gêner. El<strong>le</strong> marche sous la pluie du mêmepas tranquil<strong>le</strong> que d’habitude. El<strong>le</strong> serre simp<strong>le</strong>ment de la main droite <strong>le</strong> col de sonmanteau rouge.Il était venu dans l’appartement du professeur Ferne quelques vendredis soir, <strong>le</strong> seuljour de la semaine où <strong>le</strong> professeur et sa femme sortaient jusqu’à minuit et oùMargaret gardait <strong>le</strong>s deux enfants. El<strong>le</strong> <strong>le</strong>s accompagnait en début d’après-midi, la fil<strong>le</strong>au collège Sévigné, <strong>le</strong> garçon au lycée Montaigne. El<strong>le</strong> restait dîner avec eux. El<strong>le</strong>était libre après <strong>le</strong> dîner, et Bosmans l’attendait dans l’avenue de l’Observatoire.Un soir, el<strong>le</strong> l’avait rejoint devant <strong>le</strong>s gril<strong>le</strong>s du square et lui avait dit qu’el<strong>le</strong> devaitencore garder <strong>le</strong>s enfants. Les Ferne étaient retenus chez un confrère et ne seraientpas rentrés après <strong>le</strong> dîner. El<strong>le</strong> lui avait proposé de monter avec el<strong>le</strong> dansl’appartement, mais il avait hésité. Ne pensait-el<strong>le</strong> pas que sa présence choquerait <strong>le</strong>professeur et sa femme à <strong>le</strong>ur retour et risquait d’inquiéter <strong>le</strong>s enfants ? Il n’était pasdu tout familier de ce genre de personnes et <strong>le</strong>urs professions l’intimidaient : lui,Georges Ferne, professeur de droit constitutionnel dans une éco<strong>le</strong> des très hautesétudes, et el<strong>le</strong>, maître Suzanne Ferne, avocate à la cour de Paris, comme l’indiquaient<strong>le</strong>urs papiers à <strong>le</strong>ttres que Margaret lui avait montrés.Il l’avait suivie dans l’appartement avec une certaine appréhension. Pourquoi avait-il <strong>le</strong>sentiment de s’y introduire comme un vo<strong>le</strong>ur ? Ce qui l’avait impressionné, dès <strong>le</strong>vestibu<strong>le</strong>, c’était une sorte d’austérité. Les murs étaient de boiserie sombre. Presqueaucun meub<strong>le</strong> dans <strong>le</strong> salon dont <strong>le</strong>s fenêtres donnaient sur <strong>le</strong>s jardins del’Observatoire. D’ail<strong>le</strong>urs, s’agissait-il vraiment d’un salon ? Deux petits bureauxétaient disposés devant <strong>le</strong>s fenêtres, et el<strong>le</strong> lui expliqua que <strong>le</strong> professeur Ferne et safemme travaillaient souvent, côte à côte, chacun assis à l’un des bureaux.Ce soir-là, <strong>le</strong>s deux enfants vêtus de robes de chambre écossaises se tenaient sur <strong>le</strong>canapé de cuir noir du salon. À l’arrivée de Margaret et de Bosmans, ils étaient entrain de lire et tous deux avaient <strong>le</strong> même visage penché et studieux. Ils se <strong>le</strong>vèrent etvinrent serrer de manière cérémonieuse la main de Bosmans. Ils ne semblaient pasdu tout étonnés de sa présence.Le garçon lisait un manuel de mathématiques. Bosmans fut surpris de voir qu’ill’annotait dans <strong>le</strong>s marges. La fil<strong>le</strong> était absorbée par un <strong>livre</strong> à couverture jaune desClassiques Garnier : Les Pensées de Pascal. Bosmans <strong>le</strong>ur avait demandé <strong>le</strong>ur âge.Onze et douze ans. Il <strong>le</strong>s avait félicités pour <strong>le</strong>ur sérieux et <strong>le</strong>ur précocité. Mais ilsparaissaient insensib<strong>le</strong>s à ces compliments, comme si la chose allait de soi. Legarçon avait haussé <strong>le</strong>s épau<strong>le</strong>s en se plongeant de nouveau dans son manuel et lafil<strong>le</strong> avait jeté un sourire timide à Bosmans.Entre <strong>le</strong>s deux fenêtres du salon était accrochée une photo dans un cadre : <strong>le</strong>professeur Ferne et sa femme, très jeunes, souriants, mais une certaine gravité dans<strong>le</strong> regard, et vêtus de <strong>le</strong>urs robes d’avocats. Les quelques soirs où il s’était retrouvéavec Margaret dans l’appartement, ils attendaient, sur <strong>le</strong> canapé de cuir, <strong>le</strong> retour duprofesseur et de sa femme. El<strong>le</strong> avait emmené <strong>le</strong>s enfants se coucher et <strong>le</strong>ur avaitaccordé encore une heure de <strong>le</strong>cture dans <strong>le</strong>urs lits. Une lampe à abat-jour rouge,posée sur un guéridon, répandait une lumière chaude et apaisante qui laissait deszones de pénombre. Bosmans se tournait vers <strong>le</strong>s fenêtres et imaginait <strong>le</strong> professeuret maître Ferne, chacun à <strong>le</strong>ur bureau, et travaillant sur <strong>le</strong>urs dossiers. Peut-être, <strong>le</strong>sjours de congé, <strong>le</strong>s enfants se tenaient-ils près d’eux sur <strong>le</strong> canapé, absorbés dans<strong>le</strong>urs <strong>livre</strong>s, et <strong>le</strong>s samedis après-midi se passaient ainsi, et rien ne troublait <strong>le</strong> si<strong>le</strong>ncequ’observait cette famil<strong>le</strong> studieuse.Ce si<strong>le</strong>nce et cette tranquillité, il semblait à Bosmans qu’il en profitait en fraude, avecMargaret. Il se <strong>le</strong>vait pour regarder par la fenêtre, et il se demandait si <strong>le</strong>s jardins de

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