elativement récente, de la présence massive desfemmes au sein de l’immigration, et ce dès le milieudu XIX e siècle, du fait qu’elles ont elles aussi souventtravaillé, mais aussi fait l’objet de politiques ou depratiques administratives spécifiques 32 .L’existence d’un modèle français en matièred’immigration, longtemps et parfois implicitementadmise, fait elle-aussi l’objet d’un réexamen, par lebiais d’enquêtes comparatives, peu nombreuses,mais extrêmement riches, telles celle consacrée parJudith Rainhorn aux Italiens à Paris et New York 33 .L’analyse des pratiques d’État s’est quant à elledéplacée des normes, inscrites dans la loi ou laréglementation, aux conditions concrètes du contrôledes étrangers. Les agents de ces politiques 34 , lestechnologies dont ils usent 35 , leurs pratiquesquotidiennes 36 , les institutions en contact direct avecles étrangers 37 , font actuellement souvent l’objet de32. Linda Guerry, « S’exclure et s’intégrer. Le genre del’immigration et de la naturalisation à Marseille (1918-1940) »,thèse de doctorat sous la direction de François Thébaud, Universitéd’Avignon et des Pays de Vaucluse, 2008.33. Judith Rainhorn, Paris, New-York : des migrants italiens(années 1880-1930), Paris, CNRS Éditions, 2005.34. Sylvain Laurens, « Hauts fonctionnaires et immigration enFrance, 1962-1982. Socio-histoire d’une domination à distance »,thèse de doctorat sous la direction de Gérard Noiriel, EHESS, 2006.35. Vincent Denis, Une histoire de l’identité, France, 1715-1815,Champ Vallon, Paris, 2008.36. Clifford Rosenberg, Policing Paris : The Origins of ModernImmigration Control between the Wars, Londres, Cornell UniversityPress, 2006 ; Mary Dewhurst Lewis, The Boundaries ofthe Republic : Migrant Rights and the Limits of Universalismin France, 1918-1940, Stanford, Stanford University Press, 2007.37. Françoise de Barros, « L’État au prisme des municipalités. Unecomparaison historique des catégorisations des étrangers enFrance », thèse de doctorat sous la direction de Michel Offerlé,Sciences-Po, 2004 ; Amelia Lyons, Invisible immigrants : AlgerianFamilies and the French Welfare State in the Era of Decolonization(1947-1974), PhD. History, University of California, 2004 ; ChoukriHmed, « Loger les étrangers « isolés » en France. Socio-histoired’une institution d’État, la Sonacotra (1956-2006) », thèse de doctoratsous la direction de Michel Offerlé, Sciences-Po, 2006 ; LucienneChibrac, Les pionnières du travail social auprès des étrangers. Leservice social d’aide aux émigrants, des origines à la Libération,Paris, EHESP, 2005 ; Marc Bernardot, Loger les immigrés, la Sonacotra,1956-2006, Paris, Éditions du croquant, 2008.nombreux travaux, tels – ceux d’Alexis Spire étudiantles pratiques des fonctionnaires de la préfecture depolice durant les trente glorieuses 38 – situés auxconfins de l’histoire, de la sociologie et des sciencespolitiques.C’est souvent dans le cadre de ceux-ci que l’ontrouve les échos de la controverse la plus vive dumoment, qui concerne les liens entre colonisation etimmigration, question centrale du premier grandcolloque organisé par la Cité nationale de l’histoire del’immigration 39 . Les liens entre migrations massives dusecond vingtième siècle et colonisation, les continuitésou les ruptures dans le traitement des populationsimmigrées, et/où « issues de l’immigration » pour quireprend les expressions de la langue commune etl’encadrement des populations coloniales, le réemploien métropole de schèmes de représentationsdirectement issu du monde colonial, sont aujourd’huiautant de points donnant lieu à de parfois fort vifsdébats.Ces mouvements historiographiques ont eu desimplications archivistiques. L’attention portée auxtrajectoires individuelles ou familiales à partir desannées 1990, la multiplication des monographieslocales, le passage d’une histoire des politiquesd’État à l’étude de leur mise en oeuvre ont conduit àprivilégier les fonds locaux plutôt que ceux desadministrations centrales et parfois à une utilisationsystématique des nombreux dossiers individuelsproduits par l’appareil administratif qui, depuis la findu XIX e siècle, tente de contrôler flux migratoires etétrangers présents en France. De ce fait, de nombreuxhistoriens de l’immigration consultent systématiquementaujourd’hui des sources spécifiques,ce qui était plus rarement le cas il y a quelquesdécennies. L’histoire de l’immigration a d’abord38. Alexis Spire, Étrangers à la carte. L’administration del’immigration en France (1945-1975), Paris, Grasset, 2005.39. Nancy L. Green, Marie Poinsot (dir.), Histoire de l’immigrationet question coloniale en France, Paris, La Documentationfrançaise, 2008.ARCHIVES ET HISTORIOGRAPHIE DE L’IMMIGRATION57
MIGRANCE 33, premier semestre 2009utilisé les fonds déposés par les services centrauxdes administrations, les fonds de presse et lessources classiques de l’histoire sociale(recensements, état-civil). Ce constat permetd’ailleurs d’illustrer la difficulté qu’il y a à prévoir lesbesoins ou les curiosités futures des historiens. Lesdossiers individuels d’étrangers étaient, il y a unequinzaine d’années, des fonds totalement négligés ettrès encombrants et les directeurs des archivesdépartementales étaient bien souvent tentés de lespasser au pilon afin de regagner quelques précieuxmètres linéaires, sans que cela ne chagrinebeaucoup les historiens ni le public.Instruit par ce précédent je ne proposerai doncen guise de conclusion que quelques remarques etd’abord le constat que l’histoire de l’immigration nes’est pas faite et ne se fera pas uniquement à l’aidede fonds spécifiques et il faut je crois le rappeler auxétudiants. Nous ne sortirons pas des fichiers descaisses de retraite ou des offices HLM les fiches desmigrants. La seconde est que la curiosité historienneen ce champ est particulièrement peu prévisible,parce que si les transformations de l’historiographierenvoient pour partie à la dynamique propre d’unchamp de recherche, qui a désormais ses traditionset ses normes, elles traduisent aussi, trèsdirectement, les mutations des champs politiques,institutionnels et sociaux. Le vif intérêt pour lesmanifestations de la xénophobie qui caractèrise lesannées 1980, la place centrale de l’assimilation dansles interrogations des années 1990, les débatsactuels sur les liens entre immigration etcolonisation renvoient, de façon trop évidente pourqu’il soit nécessaire d’insister, aux transformationsdu contexte politique. De même, la multiplicationcontemporaine des travaux est à mettre en lien avecl’intérêt porté par un dense milieu associatif auxquestions de mémoire et d’histoire, mais aussi avecles évolutions de la commande publique, aux effetsparticulièrement structurant dans le champ.J’ai envie de dire de ce fait que la meilleure façond’anticiper les usages futurs n’est peut-être pas descruter les pratiques actuelles, mais de se demanderce qui n’a pas été fait, utilisé, et qui pour le momentLES ARCHIVES DE L’IMMIGRATION : COLLECTE, USAGES, VALORISATION58n’intéresse personne ou presque. Il faut en effetquelques précurseurs pour que soit pensée lapossibilité d’une direction nouvelle. Il est ainsifrappant de constater que nous connaissonsparticulièrement bien la période qui va de 1880 à1950, mais que nous avons peu de travauxd’historiens consacrés au dernier demi-siècle 40 etmoins encore aux périodes antérieures 41 . De mêmecertains fonds d’archives ont été jusqu’ici très peuexploités, les archives hospitalières ainsi, quipermettraient une histoire du corps et de la santé dumigrant, encore en germe 42 . La dimension religieusedes migrations ayant affecté la France est elle aussiencore peu connue 43 et les archives des institutionsreligieuses peu explorées. Une histoire del’encadrement des migrants par les autorités despays d’origine est elle aussi possible, au moyen desarchives consulaires, mais rarement faite 44 ,l’historiographie française, malgré de brillantesexceptions, oubliant souvent que les immigrés sontaussi des émigrants 45 . D’autres histoires encore40. Marie-Claude Blanc-Chaléard, Des bidonvilles à la ville.Migrants des trente glorieuses et résorptions en région parisienne,HDR, 2008.41. Pierre-Jacques Derainne, « Le travail, les migrations et lesconflits en France : représentations et attitudes sociales sous lamonarchie de Juillet et la seconde République », thèse de doctoratsous la direction de Serge Wolikow, Université de Dijon,1999.42. Laure Pitti, « La lutte des Penarroya contre le plomb », inSanté et travail, n°62, 2008.43. Yvan Gastaut, Ralph Schor (coord.), « Migration et religionen France (XIX e -XX e siècles) », in Cahiers de la Méditerranée,n°76, 2008.44. Victor Pereira, « L’État portugais et les Portugais en France,1957-1974 », thèse de doctorat sous la direction de Serge Berstein,IEP Paris, 2007 ; Maria José Fernandez, « Émigrer sousFranco : politiques publiques et stratégies individuelles dansl’émigration espagnole vers l’Argentine et la France (1945-1965) », thèse de doctorat sous la direction de Pilar GonzalezBernardo De Quiros, Université Paris VII, 2004.45. Caroline Douki-Minard, « Les mutations d’un espace régionalau miroir de l’émigration : l’Apennin toscan (1860-1914) », thèsesous la direction de Pierre Milza, IEP Paris, 1996.
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