Marie France Novembre

Olivier Polge,
compositeur et artisan
Alors qu’il rêvait de devenir pianiste,
Olivier Polge fait ses gammes au
Laboratoire des Parfums Chanel,
où son père, Jacques Polge, avait
succédé au nez maison, Henri
Robert, en 1978. À apprivoiser
les essences et les molécules, il
enchaîne par une formation à Grasse.
Sa carrière est lancée, il signe ses
premières fragrances pour Dior,
Balenciaga… Comparant le métier de
parfumeur à celui d’un ébéniste qui
réalise une commode, il aime faire
tenir un parfum, le faire pétiller, lui
donner du coffre. Il crée Gabrielle
tout en élaborant dans la collection
Les Exclusifs, les accords de Misia
(2015) et de Boy Chanel (2016).
7 ans de réflexion pour un flacon
Taillé en biseau, ce flacon carré, coiffé d’un capot lamé mat, poli à
l’extrême pour obtenir un verre des plus fins, a nécessité sept années
de travail, du premier dessin à sa réalisation. Du bruit de son bouchon
à son étiquette où les mentions légales disparaissent au profit de son
nom, il reflète le travail de la main humaine et une perfection technique
– rarement d’usage dans la parfumerie d’aujourd’hui – seulement
réalisable par la création d’emplois et l’usage d’une machine spéciale.»
Gabrielle,
un halo floral
Grâce à des matières premières
exclusives (issues de cultures
consacrées spécifiquement au
jasmin, à la rose et à la tubéreuse)
et à l’appui d’un laboratoire de
création et de développement
intégré, Chanel réussit l’exploit
d’inventer des fleurs si abstraites
qu’elles sont imaginaires. « Le
luxe, c’est ce qui ne se voit pas »,
aimait rappeler sa créatrice.
BENOITTEILLET DR
logramme du flacon imaginé par Sylvie Legastelois,
directrice de la création packaging et de l’identité
graphique, ne cessait d’exploser en un bouquet de
fleurs blanches virtuelles. Les ingrédients précieux
dont a rêvé Olivier Polge, parfumeur créateur de la
Maison Chanel pour cette partition olfactive au sillage
d’un jardin fleuri abstrait, marquent la peau d’un
sceau immuable, chaleureux et vibrant.
Gabrielle, trois syllabes à faire siennes
L’esprit de Gabrielle Chanel éclaire l’année 2017
sous une luminosité particulière. Pour le sac imaginé
par Karl Lagerfeld, porté par Kristen Stewart
et Pharell Williams, comme pour cet habit de senteurs
nouvelles, la griffe a choisi de s’échapper de
l’histoire de la petite orpheline d’Aubazine et de ne
conserver que son esprit frondeur, symbole d’une
éternelle jeunesse et d’une modernité contagieuse.
L’universalité de Gabrielle offre à toutes les femmes
et aux jeunes générations la possibilité de s’approprier
ses trois syllabes à leur guise : lutter pour leur
indépendance ou se mettre en scène sur les réseaux
sociaux. Seule maison de parfums à s’enorgueillir
d’une création complètement intégrée, Chanel a toujours
eu ses nez à demeure, véritables « couturiers »
des odeurs, libres de créer selon leurs intuitions et
inspirations. Dans son bureau de Neuilly-sur-Seine,
assis face à une toile de Joan Mitchell, Olivier Polge
mesure la chance inouïe « de tout réaliser simultanément
dans l’immeuble ». Même baptiser un grand
parfum. Le premier depuis la création de Chance,
par son père, Jacques Polge, en 2002.
Un sens olfactif de père en fils
Incroyable coïncidence, le fils comme le père ont
créé les deux seuls jus de la maison touchant à la
OCTOBRE 2017 53 mariefrance.fr