13.09.2017 Views

Marie France Novembre

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

la nôtre et n’essayons pas de réparer nos propres blessures<br />

narcissiques à travers lui. « La bonne posture, c’est d’être dans<br />

le réconfort », résume-t-elle.<br />

Ça va durer encore longtemps ?<br />

Combien de temps pour un chagrin d’amour ? C’est la question<br />

que l’on peut se poser à force, jour après jour, de voir l’assiette<br />

de sa progéniture repartir intacte en cuisine ; de le voir chercher<br />

la compagnie des autres et du soleil avec l’empressement<br />

de Nosferatu. Pas de quoi s’alarmer pourtant. Le blues<br />

post-rupture est on-ne-peut plus légitime. Il suffit de s’armer<br />

d’un peu de patience et de laisser le temps faire son œuvre.<br />

Mais si les choses s’éternisent, « que l’ado n’investit plus rien »,<br />

note Xavier Pommereau, que le changement comportemental<br />

— plus envie de voir ses copains ; perte d’appétit ; tristesse —<br />

s’installe, il convient de réagir. « Le chagrin d’amour peut être<br />

le révélateur d’autres problèmes antérieurs, souligne Patrice<br />

Huerre. Il peut réveiller le souvenir, dans la prime enfance,<br />

d’un parent trop occupé lui-même par un deuil, par exemple.<br />

Et cette déception sentimentale vient réactiver le sentiment<br />

d’abandon. Cela peut faire l’objet d’une consultation ponctuelle.<br />

» Cette déprime qui s’installe peut aussi nous alerter<br />

sur le degré d’investissement que met notre ado dans<br />

une relation. « Si on ne supporte pas la cassure, la rupture,<br />

la perte, estime Xavier Pommereau, il<br />

faut aller plus loin que cette simple blessure<br />

amoureuse qui ne sert alors que de révélateur<br />

». Il ne faut pas non plus hésiter à mobiliser<br />

des tiers si on se sent trop démuni.<br />

« Avec son accord, on peut solliciter l’aide<br />

d’un autre adulte dont il se sent proche, explique<br />

Patrice Huerre : un grand-parent, un<br />

parrain, une marraine. La distance dans la<br />

filiation rend la démarche moins intrusive. »<br />

Autres temps, autres mœurs<br />

Pour Caroline Franc, il convient aussi de<br />

prendre au sérieux ce que nous n’avons pas<br />

expérimenté. Facebook, Snapchat… Avec les<br />

nouvelles technologies, les amours adolescentes<br />

prennent des formes différentes de<br />

celles que nous avons pu connaître en notre<br />

temps. « Les amours virtuelles existent, souligne-t-elle.<br />

Via les différents réseaux, nos<br />

ados se disent plein de choses par écrit. Il<br />

y a moins besoin de charnel ; on peut être<br />

« en couple » pendant tout le collège sans<br />

qu’il ne se soit rien passé physiquement. » Et<br />

d’évoquer cette jeune fille de son entourage<br />

qui a vécu une histoire, de la quatrième à la<br />

seconde, avec un garçon sans qu’un baiser<br />

ne soit échangé. Pour autant, on aurait tort<br />

de considérer ces idylles très modernes à la<br />

légère. « Elles sont tout aussi douloureuses<br />

que celles qui ont lieu dans la “vraie” vie »,<br />

souligne Caroline Franc. Et leurs conséquences<br />

peuvent être presque plus dévastatrices<br />

: divulgation de messages ou<br />

harcèlement virtuel peuvent faire partie<br />

des réjouissances accompagnant la rupture.<br />

Oui mais que faire face à une carte<br />

du tendre qui prend des chemins de traverse<br />

et échappe à nos regards parentaux ?<br />

Caroline Franc rappelle que Facebook<br />

comme Instagram ne sont pas censés être utilisés par des<br />

jeunes de moins de 13 ans. Ensuite, si un chagrin d’amour<br />

semble affleurer, « on peut poser un œil lointain sur le profil<br />

de son enfant, recommande-t-elle. Voire lui demander, très<br />

ponctuellement, de le regarder ensemble », histoire de ne<br />

pas paraître trop intrusif, mais soucieux de son bien-être.<br />

Un mal qui lui veut du bien<br />

Heureusement, on sait qu’avec le temps va, tout s’en va, et notamment<br />

les meurtrissures de cette première déception amoureuse.<br />

Une fois la convalescence achevée, on fera remarquer à<br />

l’ado ce que l’expérience a de positif. Qu’il est capable de sentiments<br />

forts pour quelqu’un, en dehors de sa famille. « Cela<br />

marque une vie, confirme Patrice Huerre, comme tout ce qui<br />

est vécu de façon intense. » Cela signe également le premier<br />

pas de sa vie d’adulte, autonome jusque dans ses élans. « C’est<br />

bien, un chagrin d’amour, approuve Xavier Pommereau. C’est<br />

une des premières épreuves personnelles que nous ayons à<br />

surmonter. Certes, il fait pleurer. Mais, comme une maladie<br />

infantile, il est risqué de ne pas l’avoir connu dans sa jeunesse…<br />

Sans cette expérience, une fois adulte, il est possible qu’on investisse<br />

ses relations de façon excessive. » Douloureux ? Sans<br />

aucun doute. Mais pas au point de souhaiter que nos enfants<br />

en soient vaccinés. « Il ne s’agit pas d’un traumatisme », rappelle<br />

Patrice Huerre. Car une fois que la peine s’est retirée,<br />

reste sur le sable le souvenir d’une histoire vers laquelle, des<br />

années après, on se plaira encore à revenir en pensées.<br />

•<br />

GETTY<br />

OCTOBRE 2017 68 mariefrance.fr

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!