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Marie France Novembre

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ISTOCK<br />

C’est une question d’éducation, le culte de l’apparence<br />

est transmis aux filles avec le premier tube de mascara.<br />

Tandis que les garçons se font des quadriceps au<br />

volley, elles travaillent les demi-pointes pour la grâce.<br />

Il y a pourtant eu une belle époque de la coquetterie<br />

et de l’élégance au masculin : à Versailles, sous le règne du Roi<br />

Soleil, la cour masculine porte rubans, perruques, bijoux. Au<br />

XVIII e siècle, le dandysme anglais impose ses tenues précieuses<br />

et affectées, ce qui préfigure le look néoromantique du XIX e .<br />

Avec la bourgeoisie et le taylorisme, la garde-robe hommes se<br />

fane et se replie sur du triste et du noir. Une monotonie toujours<br />

là selon Frédéric Monneyron, sociologue (1) . Les femmes,<br />

elles, ont toujours eu plus de fantaisie. Mode Pompadour, newlook,<br />

disco, grunge, style Jacky Kennedy, etc. Héritiers de ces<br />

traditions, nos enfants répètent certains comportements. À eux<br />

les habits de héros, à elles les falbalas des belles dames. Petits,<br />

affirmant leur individualité, ils font la « crise vestimentaire du<br />

matin ». Pré-ado et ado, c’est le règne des marques et du look<br />

de la tribu, la bande du lycée, phénomène expliqué par Didier<br />

Pleux, psychologue (2) . Elle s’accroche à son minishort, il refuse<br />

de retirer son jean fétiche même pour aller au mariage de tante<br />

Jane. Comment diversifier leurs choix ?<br />

L’enfant petit et le caprice du matin<br />

Entre 3 et 5 ans, Chouchou ne veut plus enfiler ce qu’on lui a<br />

préparé. Chouquette veut mettre sa brassière de plage alors<br />

que l’on part pour l’école. Comme par hasard, elle fait sa crise le<br />

matin à 7 h 42 alors qu’on est pressée et en retard. Même chose<br />

du côté des garçons : il réclame son tee-shirt Spider-Man et rien<br />

d’autre. C’est l’automne, bonhomme. On<br />

ter, on fabrique un tyran : il veut aller à<br />

l’école en sandales l’hiver (il pleut, il fait<br />

froid) ou en panoplie de Dark Vador (ce<br />

n’est pas Halloween). C’est le « principe<br />

de réalité » qu’il doit intégrer. À le laisser<br />

choisir « on lui apprend à lorgner de nouvelles<br />

marques, à comparer avec d’autres<br />

enfants, à vouloir toujours plus », constate<br />

Didier Pleux. L’enfant fait une fixette sur<br />

un vêtement, comme naguère il scotchait<br />

sur son doudou ? Expliquez à Chouquette<br />

qu’il faut la laver, la jupe à licornes, elle<br />

la reportera ensuite mais à la maison et<br />

le week-end. Plus grand, à 7 ou 8 ans,<br />

l’enfant pourra choisir entre deux tenues<br />

qu’on lui a préparées en fonction de la météo,<br />

des activités du jour, pour l’aider à<br />

l’autonomie et lui apprendre à varier.<br />

Le pré-ado, l’ado et le besoin<br />

de conformisme<br />

Investissement de l’apparence, apprentissage<br />

de la séduction, à partir de 11-12 ans,<br />

ils passent un temps fou devant la glace.<br />

Ce n’est pas le moment de leur dire « la<br />

beauté ne se mange pas en salade ». Cette<br />

étape nécessaire leur enseigne le plaisir<br />

de s’occuper de soi et leur permet d’affiner<br />

leur goût. Le pré-ado ne veut plus qu’on lui<br />

choisisse son linge. Il s’accrochera d’au-<br />

a beau le raisonner, lui passer un pull de<br />

force, il se roule par terre. Reste à lui enfiler<br />

le tee-shirt à l’effigie de son héros audessus<br />

du pull. Comme ça, tout le monde<br />

est content et on peut imaginer que la maîtresse<br />

en a vu d’autres. Cette crise du matin<br />

est une prise d’autonomie, un trait de la<br />

toute-puissance enfantine : Chouchou monopolise<br />

l’attention des adultes et s’affirme<br />

en s’opposant à eux. « Moi tout seul », ce<br />

qu’il répète en boucle. En portant la panoplie<br />

de son héros préféré, l’enfant s’en<br />

approprie les qualités de force, de grâce.<br />

Un caprice mignon qui vire à l’enfer avec<br />

l’enfant-roi dopé à l’hyperconsommation.<br />

Didier Pleux explique : « Parents, soyons<br />

vigilants lorsque nous cédons aux tentations<br />

des multinationales du jouet, du vêtement<br />

(…) L’objectif prôné est bien sûr<br />

l’épanouissement, il stimule en fait l’éparpillement,<br />

crée l’instabilité et renforce l’intolérance<br />

aux frustrations. » À trop le gâ-<br />

tant plus à son sweat Manchester United<br />

qu’on ne lui propose que des fringues « bébé ». L’ado, lui, s’en<br />

réfère à la bande, aux copains, le besoin d’identification au<br />

groupe étant alors très fort. C’est en encourageant sa fantaisie,<br />

en parlant de mode ensemble (magazines, blogs, shopping),<br />

que l’on peut l’aider à diversifier sa penderie, à jouer avec les<br />

vêtements au lieu de se fondre dans un total look. Il faut juste<br />

veiller à ce que le souci de l’apparence ne l’emporte pas sur le<br />

reste (études, sport, culture, etc.) ou alors il ne vivra que selon<br />

le « principe de plaisir ». Un adulte qui s’habille mal a souvent<br />

été un ado non sensibilisé à la mode. Cela donne un homme en<br />

costume mal taillé la semaine et en « friday wear » ringard. Une<br />

fille que l’on culpabilise lorsqu’elle essaie des fanfreluches associera<br />

féminité et frivolité et se réfugiera dans un look répétitif<br />

(ces femmes qui achètent toujours des pulls beiges). Montronsleur<br />

d’autres associations possibles que leur panoplie habituelle<br />

(grunge, néogothique ou vintage années 1980) sans oublier ce<br />

principe de réalité : toujours avoir le look adapté à la situation.<br />

Le Bombers doré à la Drive, c’est hors sujet au lycée.<br />

•<br />

(1) Frédéric Monneyron enseigne la littérature et la sociologie de la mode à l’université<br />

de Perpignan et a écrit La Sociologie de la mode et La Frivolité essentielle (PUF).<br />

(2) De l’enfant-roi à l’enfant tyran, de Didier Pleux (Odile Jacob).<br />

OCTOBRE 2017 71 mariefrance.fr

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