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famille<br />
PARJOSÉPHINELEBARD<br />
Mon ado<br />
vit son premier<br />
chagrin d’amour<br />
Il y a le ciel, le soleil et les larmes amères sur la banquette arrière. L’été est<br />
souvent le théâtre des premières expériences amoureuses de nos ados et de<br />
leurs premières peines de cœur. Reste à savoir comment, nous, les parents,<br />
allons assurer face à ce désarroi. Préparez les mouchoirs, mais pas seulement.<br />
Cela a commencé dès le trajet de retour des vacances.<br />
« D’habitude, se souvient Murielle, il y a les bips de<br />
notifications du portable de Manon qui ponctuent —<br />
de façon assez agaçante — le voyage. Mais là, chacun<br />
de ces bips s’accompagnait d’un soupir de ma fille à<br />
fendre l’âme. » Et pour cause : sur une plage des Landes, l’ado<br />
avait abandonné plus que ses vacances, mais aussi un premier<br />
amour rencontré à son cours de planche à voile… qui l’a<br />
plaquée la veille du départ. Résultat des courses : une rentrée<br />
avec des yeux de lapin russe, à contempler des heures durant<br />
la photo de l’indélicat dûment mis en fond d’écran du portable<br />
et à « fondre en larmes quand l’un de ses frères et sœurs évoquait<br />
les vacances », se souvient Murielle.<br />
Exit le père sicilien<br />
Difficile en tant que parent de gérer cette première expérience.<br />
Mais s’il n’est pas évident de savoir quoi faire face à l’avalanche<br />
de larmes ou au silence plombé de notre ado, demeure une<br />
certitude : ne pas interférer. Xavier Pommereau, psychiatre,<br />
directeur du pôle aquitain de l’adolescent<br />
et auteur du Goût du risque à l’adolescence<br />
(éditions Albin Michel) insiste : « Surtout, on<br />
ne va pas dire trois mots à celui ou celle qui a<br />
quitté notre enfant. » Aujourd’hui quadragénaire,<br />
Christelle se souvient encore, le rouge<br />
au front, de la façon dont son père avait demandé<br />
des explications au garçon qui l’avait<br />
méchamment larguée après une boum estivale.<br />
« La honte absolue… J’ai passé la fin de<br />
l’été en pestiférée. Parce qu’évidemment, il<br />
avait eu la riche idée de jouer au père sicilien<br />
devant toute ma bande de copains. »<br />
À l’écoute, coûte que coûte<br />
Que notre ado exprime ou non sa tristesse, la<br />
meilleure posture que nous pouvons adopter<br />
pour y faire face c’est, simplement, de nous<br />
mettre dans ses baskets. « Le premier chagrin<br />
d’amour est un événement majeur, souligne<br />
Patrice Huerre, pédopsychiatre et directeur<br />
de l’ouvrage Médiations numériques et prise<br />
en charge des adolescents (éditions Lavoisier<br />
Médecine). C’est quelque chose d’inédit, d’imprévisible<br />
et de bouleversant. Pour l’apprécier,<br />
les parents doivent effectuer leur retour<br />
en adolescence pour se remémorer leur<br />
propre première peine de cœur. Cela leur<br />
permet de mesurer à quel point ce moment<br />
a pu compter pour eux et compte donc pour leur enfant. » Si<br />
notre enfant ne se confie pas, surtout, laisser la porte ouverte,<br />
estime le praticien. Voire, provoquer des moments de dialogue.<br />
Cela peut être une sortie au restaurant, une balade (le tout<br />
sans le reste de sa fratrie, bien sûr) : un moment hors du cadre<br />
domestique pour, explique Patrice Huerre, « se poser un peu ».<br />
OCTOBRE 2017 66 mariefrance.fr