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Marie France Novembre

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Ils s’appellent Frédéric, Charlotte, Jules, Nadia,<br />

Laurence, Zoé ou Sylvain, sont âgés de 16 à<br />

90 ans. D’horizon divers, ils ont choisi de rejoindre<br />

les rangs de La Louve (plus de 5 300<br />

personnes à ce jour), un supermarché parisien<br />

pas comme les autres. Pour faire ses<br />

courses ici, il faut d’abord adhérer à l’association<br />

« Les amis de la Louve » et acheter des parts de<br />

la coopérative : 100 euros le ticket d’entrée — 10 euros<br />

pour les bénéficiaires des minimas sociaux et les<br />

boursiers de niveau 6 et 7. Plus important encore, il<br />

faut aussi y travailler 3 heures consécutives toutes les<br />

4 semaines pour réduire le coût de fonctionnement<br />

de l’endroit. Dans le jargon, on appelle cela faire son<br />

« service ». Chaque jour ou presque, de 6 à 22 heures,<br />

les membres se relaient pour assurer la plupart des<br />

tâches du magasin : décharger les camions de livraison,<br />

remplir les rayons, dresser des stocks et des inventaires,<br />

recycler les déchets, peser les fruits et les<br />

légumes, tenir la caisse… et même nettoyer les sanitaires<br />

! Ici, la hiérarchie n’existe pas. Cadre, ouvrier,<br />

étudiant ou intermittent, tout le monde est logé à la<br />

même enseigne et doit se retrousser les manches<br />

pour être à jour de ses services et gagner le droit de<br />

remplir son caddie. La contrepartie de tous leurs efforts<br />

? Une offre presque imbattable avec un supermarché<br />

de 1 450 m 2 rempli de produits, majoritairement<br />

bio — mais pas seulement — souvent locaux et,<br />

surtout, moins chers qu’ailleurs. Le steak haché s’y<br />

affiche à moins de 10 € le kilo ; l’hiver, les oranges bio<br />

n’excèdent pas les 1,50 € du kilo et même les chips<br />

Tyrell’s sont 80 centimes moins chers qu’à l’enseigne<br />

de grande distribution traditionnelle la plus proche !<br />

À produit équivalent, le panier moyen y est de 15 à<br />

40 % moins cher qu’ailleurs. En tout, La Louve propose<br />

déjà plus de 2 000 produits, de la litière pour<br />

chat aux chaussettes en laine sans oublier le vinaigre<br />

ménager et le gel douche. « C’est important de tout<br />

avoir : nous ne sommes ni une boutique, ni une épicerie.<br />

Nous sommes un supermarché ! Si les coopérateurs<br />

ne peuvent pas remplir leur caddie, ils risqueraient<br />

d’abandonner le projet », prévient Tom Boothe,<br />

co-créateur avec Brian Horihan de La Louve.<br />

Le collaboratif donne envie<br />

Pour le moment, les volontaires ne manquent pas.<br />

À Paris, La Louve est même obligée de réduire la<br />

cadence de ses réunions d’information — une étape<br />

obligatoire pour adhérer — et ne pas atteindre trop<br />

vite son seuil critique. L’engouement est tel que La<br />

Louve reçoit désormais des appels toutes les semaines<br />

pour dupliquer son système. « Aujourd’hui,<br />

il doit y avoir une trentaine de projets assez sérieux,<br />

dont huit sont bien avancés avec des associations et<br />

des groupements d’achats déjà créés », constate Tom<br />

Boothe. Entre eux, les échanges sont réguliers et l’entraide<br />

réelle pour régler tous les détails techniques et<br />

juridiques nécessaires à la réussite d’une telle entreprise.<br />

En 2016, le supermarché parisien n’était même<br />

pas encore ouvert que son modèle — Le Park Slope<br />

Coop de New York, lire encadré page suivante —<br />

suscitait déjà les vocations partout en <strong>France</strong> ! De<br />

Superquinquin, à Lille, à Super Cafoutch, à Marseille,<br />

en passant par Scopéli, à Nantes, L’éléfàn, à Grenoble,<br />

Demain, à Lyon et La Chouette Coop, à Toulouse, les<br />

grandes métropoles succombent au phénomène et<br />

créent leur propre coopérative participative.<br />

Une réponse aux scandales alimentaires<br />

À chaque fois, le même constat : lassée des enseignes<br />

de la grande distribution, horrifiée par les scandales<br />

alimentaires à répétition, une poignée de consommateurs<br />

décide de prendre les choses en main et de<br />

créer une alternative. Les apprentis coopérateurs se<br />

pressent désormais par dizaine aux portes de ces<br />

supermarchés d’un genre nouveau. Arrivés par curiosité,<br />

par enthousiasme ou par le bouche-à-oreille,<br />

ils sont presque 500 membres à Montpellier, bientôt<br />

1 000 à Lille et déjà plus de 2 000 à Nantes. « C’est<br />

un mouvement qui va de pair avec la montée de la<br />

vente directe », explique Pascale Hébel, directrice du<br />

pôle consommation et entreprise du Centre de recherche<br />

pour l’étude et l’observation des conditions<br />

de vie (Credoc). « L’angoisse liée à l’alimentation est<br />

très forte en <strong>France</strong> : elle a commencé par la crise<br />

de la vache folle dans les années 1990 et elle monte<br />

crescendo. Avec ce genre d’initiatives, les gens se<br />

rassurent et reprennent le contrôle sur le contenu<br />

de leur assiette ». « En 2014, je revenais de plusieurs<br />

missions à l’étranger et j’étais habituée à bien m’alimenter.<br />

L’idée de trouver facilement des produits<br />

sains à des prix corrects m’a tout de suite séduite »,<br />

raconte Mathilde, 34 ans, responsable administrative<br />

et financière, membre de La Louve depuis trois ans.<br />

« Sur le prix et sur la qualité, je m’y retrouve complètement<br />

: il y a du choix au rayon des fruits et des<br />

légumes et moi qui ne mange que peu de viande, c’est<br />

là-bas que je l’achète maintenant ! Elle est proposée<br />

à des prix défiant toute concurrence. On nous avait<br />

promis qu’en mobilisant des gens et des moyens, on<br />

MÜGLUCK/LASUITE<br />

OCTOBRE 2017 58 mariefrance.fr

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