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Bar <strong>à</strong> cru, mozzarella,<br />
tomates vertes<br />
Loin d’une cuisine d’époque, la sienne est inscrite dans l’époque. Etrange, racée, animale…<br />
tonkinoise dont il garde un souvenir saisissant de sa découverte<br />
<strong>à</strong> Hanoï : un poussin cuit au stade fœtal dans son blanc et son<br />
jaune, qui se croque entier <strong>à</strong> la manière des ortolans d’autrefois.<br />
La mise en appétit fut un anchois frais pané avec de la chapelure<br />
japonaise, farci de courgette et de chèvre frais au cerfeuil. A côté,<br />
quelques quartiers de lime rôtis laqués par le sucre du citron vert,<br />
dans lesquels on mordait pour se nettoyer la bouche comme après<br />
une rasade de tequila. Puis avec le vin blanc de marque Clarendelle,<br />
issu de l’activité raisin d’achat du domaine (c’est-<strong>à</strong>-dire acquis<br />
auprès de récoltants indépendants, en plus de ce que produisent<br />
ses parcelles), démocratique et au goût garanti, une langoustine<br />
de casier sucrée, auprès de quelques bris de feta dont l’aigreur<br />
soulignait la fraîcheur végétale d’un concombre nain et l’acidité<br />
de quelques groseilles. La Clarté d’Haut-Brion, second vin (blanc)<br />
des Château et Mission Haut-Brion, est une cuvée confidentielle<br />
de sémillon, le cépage du Sauternes dont on retrouve ici la tension<br />
et les notes de mangue, mais sans sucrosité. On le dégustait en<br />
même temps qu’un bar de ligne cru fourré de mozzarelle, comme<br />
le tiroir secret d’un meuble <strong>à</strong> complication, auquel des chiffonnades<br />
de tomate immature (dans l’esprit d’une papaye verte) conféraient<br />
croquant et vigueur. Il y avait aussi de la boutargue, quelques fleurs<br />
de coriandre, un condiment d’ajoblanco (amandes et ail), en garniture<br />
des lingots d’aubergine frite et laquée au miso, avec gambas<br />
de Palamos et jus de groseille corsé au gingembre.<br />
Un plat de connaisseur<br />
Autre merveille, et même un plat de connaisseur, ce casseron (une<br />
jeune seiche) poêlé <strong>à</strong> l’huile d’olive avec tout dedans : dressé en<br />
écailles de courgette violon grillées, grainé de caviar impérial<br />
Petrossian (clair, onctueux et généreusement servi, pas seulement<br />
décoratif), il gisait dans son encre <strong>à</strong> l’épaisseur sanguine, auprès<br />
d’un jaune d’œuf aussi dense que du vif-argent. Une superbe<br />
nature morte. Puis fut servi le Clarence d’Haut-Brion 2008, un<br />
vin rouge tendre, pulpeux, épicé, légèrement résineux, servi <strong>à</strong> la<br />
bonne température et parfaitement oxygéné (pas besoin de le<br />
démarrer <strong>à</strong> la manivelle en le faisant tourner trois plombes dans<br />
le verre). Il accompagnait un carré d’agneau dressé dans son jus<br />
réduit, avec une feuille de shiso, des cerises noires marinées au<br />
vinaigre et du tarama qui fouettait comme des embruns cette<br />
viande fine, décomplexant son gras et ses saveurs bestiales. Tout<br />
le reste était du même tonneau, escorté par des denrées de collectionneur<br />
(baguette Pichard, beurre-baratte Ponclet, etc.). Seul<br />
Paris manquait au tableau. Comme si la Ville lumière flairait<br />
l’entourloupe, refusant d’admettre que l’honnêteté puisse être<br />
dépourvue de faute de goût. Les clients attablés ce jour-l<strong>à</strong> étaient<br />
d’un autre temps, ils sympathisaient presque avec les personnages<br />
muraux peints en armure d’apparat, culotte bouffante et collerette<br />
<strong>à</strong> nids-d’abeille.<br />
→ Le Clarence, 31, avenue Franklin Delano Roosevelt, Paris 8 e ,<br />
01 82 82 10 10, le-clarence.paris, menus de 65 <strong>à</strong> 190 € au déjeuner,<br />
entre 130 et 320 € le soir.<br />
Bar <strong>à</strong> cru, mozzarella,<br />
tomates vertes (4 pers.)<br />
Très frais<br />
Prép. : 20 mn > Cuisson : 6 mn<br />
⊲ 2 filets de bar<br />
⊲ mozzarella di buffala<br />
⊲ 50 g de tarama de cabillaud<br />
⊲ 1 tomate cœur de bœuf verte<br />
(non mûre)<br />
⊲ 8 olives noires «taggiasche»<br />
(de Ligurie) ⊲ 4 œufs extra-frais<br />
⊲ quelques feuilles de roquette<br />
⊲ 4 brins de coriandre ⊲ huile d’olive<br />
⊲ le zeste d’une orange bio<br />
Faites préparer le bar par votre poissonnier.<br />
•Coupez les filets de bar<br />
cru en fines tranches, comme un<br />
carpaccio. •Répartissez-les sur 4<br />
feuilles de papier sulfurisé en les<br />
faisant se chevaucher. •Coupez<br />
finement des tranches de mozzarella<br />
di buffala. Disposez-les sur les<br />
tranches de bar cru. •Roulez l’ensemble<br />
afin de former un cannelloni.<br />
•Coupez la tomate cœur de bœuf<br />
en tranches. •Effilez le zeste<br />
d’orange. •Faites cuire les œufs<br />
dans de l’eau bouillante, 6 mn après<br />
la reprise de l’ébullition pour obtenir<br />
des œufs mollets. Réservez uniquement<br />
les jaunes. •Dans chaque<br />
assiette, déposez le cannelloni de<br />
bar et mozzarella. •Disposez également<br />
le tarama de cabillaud, le<br />
jaune d’œuf mollet et 1 tranche de<br />
tomate verte. •Puis ajoutez la<br />
roquette, 2 olives « taggiasche », de<br />
la coriandre, quelques filaments de<br />
zeste d’orange et un filet d’huile<br />
d’olive.<br />
Dans votre verre :<br />
Riesling, Domaine Ostertag, « Clos<br />
Mathis » 2015. En vente <strong>à</strong> la cave<br />
du château.<br />
SEPTEMBRE - OCTOBRE 2017 ⁄ ELLE À TABLE ⁄ 123