« Je suis arrivé à la réception de l’hôtel, surf sous le bras : tout s’est figé autour de moi. » the red bulletin : Comment vous est venue l’idée de ce livre ? selema masekela : Le vœu qu’a fait mon père (Hugh Masekela, légende sud-africaine du jazz, ndlr), juste avant de mourir, était que je poursuive son œuvre : renforcer auprès du public les liens et la curiosité d’explorer le continent africain. Après sa mort (en 2018, ndlr), je me suis demandé comment réussir à perpétuer son héritage. Et j’ai réalisé que je devais le faire par le surf. Une discussion est née autour du livre et de comment se servir du surf pour montrer la beauté de l’Afrique en général ; pour montrer des images et raconter des histoires que jamais personne n’avait entendues jusqu’à présent. Pourquoi avez-vous ressenti le besoin de le faire ? Depuis ma jeunesse, 99,9 % des représentations que l’on nous a montrées sur le surf n’ont jamais inclus des gens qui me ressemblaient. Comme si tu devais être blond aux yeux bleus pour être pris au sérieux dans le monde du surf. C’est l’image-type que tout le monde se fait d’un vrai surfeur – alors même que ce sport a été (officiellement, ndlr) inventé par les Polynésiens. Mais également, comme le livre nous l’apprend, par les Ghanéens : comment se fait-il que cette information ait été si longtemps occultée, même dans le milieu du surf ? Il y a un phénomène de « whitewashing » dans l’Histoire, avec cette manière un peu bizarre de la représenter comme si une certaine catégorie de personnes avait toujours été la première à faire des trucs, parce qu’elle était meilleure que les autres, plus talentueuse, voire carrément élue par Dieu… On a tous été convaincus de ce genre de choses, non ? D’où la profusion de clichés et de mythes : je vois des gens réellement perplexes devant des photos d’Africains en train de surfer et de le faire à un très haut niveau. Quand j’ai commencé à apprendre à surfer, on me disait : « Comment ça se fait que tu apprennes à surfer quand les gens comme toi ne savent pas nager ? » La plupart des films de surf sont bâtis sur ce scénario : des surfeurs (blancs, ndlr) qui se rendent dans des pays exotiques pour aller surfer des vagues incroyables pendant que les autochtones les regardent depuis la plage, incrédules… puis les mecs repartent. The Endless Summer est un exemple-type de ce genre de films. Vous vouliez aborder ce phénomène de « whitewashing » dans l’histoire du surf ? Chez les Bikoumou, le surf est une affaire de famille : Kelly (en haut) a appris aux côtés de son père Patrick, surfeur passionné, qui gère un resto sur la plage de Pointe-Noire, au Congo. Nous ne cherchons pas à dire « Hey, tout ce qu’on vous a raconté sur le surf est un mensonge ! », mais plutôt à élargir le prisme de la perception du surf et à montrer aux gens la richesse du continent africain. Ce livre ne fait qu’égratigner la surface de la surface. Selon Grant « Twiggy » Baker, surfeur pro d’Afrique du Sud, la culture surf africaine est sur le point d’exploser, comme ce fut le cas pour les Brésiliens, dix ans plus tôt. C’est aussi votre avis ? GREG EWING, ALAN VAN GYSEN 56 THE RED BULLETIN
2018 : le Sud- Africain Mikey February (né en 1993, un an avant les premières élections démocratiques locales) est le premier Africain non blanc qualifié pour les Championnats du monde de surf.