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J<br />
ilou ne reste pas en<br />
place. Elle effectue<br />
des mouvements<br />
minimaux à partir<br />
des hanches et fait<br />
une vague avec<br />
les bras tendus de<br />
chaque côté de son<br />
corps. C’est l’une des dernières journées<br />
chaudes de la fin de l’été, le soleil brille<br />
encore de tous ses feux dans un ciel sans<br />
nuage. Sur la Spree qui serpente entre<br />
les immeubles gouvernementaux dans<br />
le centre de Berlin, les embarcations<br />
de plaisance passent les unes après les<br />
autres devant le lieu du shooting photo.<br />
La jeune fille de 27 ans se tient devant<br />
un mur de béton gris et bouge presque<br />
instinctivement au son de la musique qui<br />
joue sur le plateau. Même lorsqu’il s’agit<br />
de faire son portrait, la danseuse a du<br />
mal à rester en place.<br />
C’est cette envie incontrôlable de<br />
bouger qui a fait de Jilou ce qu’elle est<br />
aujourd’hui : l’une des meilleures B-Girls<br />
au monde. Lors du <strong>Red</strong> Bull BC One,<br />
le championnat du monde officiel de<br />
breakdance où les seize meilleurs B-Girls<br />
et B-Boys s’affrontent selon un système<br />
d’élimination directe et qui s’est tenu<br />
à Mumbai en 2019, Jilou a atteint les<br />
quarts de finale. Elle estime qu’elle ne<br />
méritait pas sa défaite contre la Japonaise<br />
MiMz. Ce qui n’est guère étonnant<br />
quand on connaît ses ambitions : « J’ai<br />
toujours voulu être la meilleure, dit<br />
Jilou. D’abord dans mes cours de break,<br />
puis dans ma ville, puis dans toute l’Allemagne,<br />
et maintenant dans le<br />
monde entier. » Elle est loin<br />
d’avoir atteint son but, et la<br />
danse seule ne lui suffit pas.<br />
Elle trouve également dans<br />
son art la motivation de faire<br />
une différence dans le monde.<br />
Née à Fribourg en 1992,<br />
Jilou Rasul a commencé le<br />
ballet très tôt. Mais les mouvements<br />
stricts ne convenaient pas à cette enfant<br />
turbulente. Elle est ensuite passée à<br />
la gymnastique artistique à l’âge de<br />
six ans. Quand, à 13 ans, Jilou s’en est<br />
lassé et qu’elle a commencé à faire du<br />
breakdance au club, elle était déjà superflexible<br />
et capable de faire des handstand<br />
et des flic-flac. Lorsqu’on lui demande ce<br />
qui l’a amenée à danser à l’époque, et qui<br />
la pousse encore aujourd’hui, elle répond<br />
simplement : « Cela me rend heureuse.<br />
C’est tout. » Avant d’ajouter dans la foulée<br />
qu’elle est accro à l’adrénaline. L’excitation<br />
provoquée par la pratique de phases<br />
risquées, les défis lancés à son propre<br />
corps et la rivalité avec les autres a rapidement<br />
exercé un attrait irrésistible chez<br />
Jilou. Huit mois seulement après avoir<br />
commencé à faire du breakdance, elle a<br />
participé à sa première B-Girl-Battle et est<br />
arrivée deuxième. Et elle a encore beaucoup<br />
de projets devant elle. Si l’on se fie<br />
à Jilou, les quarts de finale du <strong>Red</strong> Bull<br />
BC One de l’année dernière ne resteront<br />
pas longtemps le point culminant de sa<br />
carrière. Jilou ne veut pas seulement<br />
devenir la meilleure danseuse au monde,<br />
« mais la meilleure de tous ».<br />
Elle ne se contente pas de danser<br />
extrêmement bien dans son style<br />
caractéristique, à la fois acrobatique et<br />
léger comme une plume. Elle utilise la<br />
confiance qu’elle tire du breakdance<br />
pour quelque chose de plus grand. Jilou<br />
se bat pour elle ainsi que pour les autres<br />
B-Girls afin qu’elles obtiennent une véritable<br />
opportunité de rivaliser avec leurs<br />
homologues masculins.<br />
Parce qu’il n’y a pas de différence entre<br />
le break et presque tous les autres aspects<br />
du sport et de la vie en général : les<br />
femmes sont défavorisées, gagnent moins<br />
pour des réalisations équivalentes et<br />
doivent se défendre contre les agressions.<br />
Jilou ne veut pas<br />
seulement devenir la<br />
meilleure danseuse<br />
au monde, « mais la<br />
meilleure de tous ».<br />
74 THE RED BULLETIN