Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
15
ces entrefaites, Fraser & Trenholm de Liverpool a racheté le Sumter pour le remettre
en état afin de le réutiliser comme forceur de blocus sous le nom de Gibraltar.
Beaucoup plus tard, l’un des déserteurs du Sumter communiqua aux services secrets
américains une copie du rôle de son équipage, qui prouvera qu’il se composait
majoritairement de Britanniques qui traînaient dans les bas-fonds de La Nouvelle-
Orléans jusqu’à ce que les rabatteurs de Semmes leur proposent d’alléchantes
conditions d’embauche.
Revenons à Bulloch, le 11 mars 1862, après son retour à Liverpool. Il écoute les
doléances de Prioleau à propos de North, puis invite énergiquement celui-ci à
prendre tout de suite le commandement de l’Oreto. Comme North se pétrifie sur
ses instructions initiales, Bulloch décide de remettre l’Oreto au lieutenant John N.
Maffitt qui assure la liaison entre la côte sudiste et Nassau à bord d’une vedette
rapide. Le départ de l’Oreto ne pose pas de problème car son commandant
provisoire, un certain John Low, est un officier confédéré qui possède la nationalité
britannique et les titres requis pour commander un navire. L’Oreto quitte Liverpool
le 22 mars 1862 et Low rencontre Maffitt le 4 mai dans le Grand Hôtel Victoria à
Nassau, pour lui remettre le commandement du bâtiment
Quelques mots sur ce John Low qui servit sur l’Alabama puis sur le Tuscaloosa.
Après le décès de ses parents, il est recueilli par des membres de sa famille à
Aberdeen (Écosse) puis à Liverpool. Dès ses seize ans, il s’engage la marine
marchande britannique et est promu 1 er lieutenant en 1854. Sur les conseils de son
oncle paternel, un riche négociant de Savannah, il l’y rejoint en 1856 et y crée une
compagnie d’import-export en partenariat avec un ancien condisciple de la marine
marchande britannique. Son entreprise prend vite une extension considérable grâce
aux relations commerciales de son oncle.
Au début de la guerre, Low s’enrôle dans une unité montée de la milice de
Caroline du Nord. Son expérience dans le domaine maritime n’a pas échappé à
Bulloch qui connaît bien l’oncle de Low. Comme les forces navales rebelles
manquent d’officiers expérimentés, Bulloch le signale au ministre Mallory et
recommande de l’incorporer dans leur marine de guerre et surtout de l’envoyer à
Liverpool car il jouit d’un statut extrêmement rare et particulièrement utile. Non
seulement, il possède la double nationalité (américaine et britannique en raison de
son lieu de naissance), mais il détient les titres britanniques qui l’autorisent à
commander un navire immatriculé en Grande-Bretagne.
Entre-temps, le « 290 » a attiré l’attention des diplomates américains en
Angleterre. À Liverpool, la surveillance des agents confédérés incombe au consul
Thomas H. Dudley. Issu d’une famille de quakers, qui milite depuis plus d’une
décennie en faveur de l’abolition de l’esclavage, ce juriste du New Jersey suscite
l’attention de la presse de cet État en rachetant, de ses propres deniers, des Noirs
libres que des Sudistes avaient enlevés et emmenés dans le Deep South pour les y
revendre à prix d’or. Abraham Lincoln a entendu parler de l’intervention de Dudley
en faveur de ces Noirs et, dès qu’il accède à la présidence, il lui propose le consulat
de Liverpool en remerciement de son soutien électoral dans le New Jersey. Durant
son séjour à Liverpool, Dudley résida successivement au 3 et au 6, Belvidere Road,
Princes Park. Ces deux maisons existent encore et figurent parmi les immeubles
classés de la ville.