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venir consulter son document de connaissement. La Déclaration de Paris autorise
cette démarche qui permet à un belligérant de consulter le registre et la nationalité
du bâtiment interpellé afin d’identifier sa destination et, en fonction de celle-ci, de
vérifier s’il transporte de la contrebande de guerre. C’est pendant que les matelots
du Hatteras effectuent cette manœuvre que Semmes abat ses fausses couleurs, fait
hisser celles de la Confédération puis hurle dans son porte-voix : Nous sommes le
steamer confédéré Alabama. Son dernier mot est à peine prononcé qu’il ouvre le
feu à environ 75 mètres du navire adverse.
Complètement surpris, le commandant de l’Hatteras riposte du mieux qu’il peut,
mais après un quart d’heure, il envoie un signal de détresse annonçant qu’il se rend
car il coule. En tout état de cause l’Hatteras n’avait pas la moindre chance de
résister : ses immenses roues motrices latérales étaient une cible aisée à fracasser.
En outre, sa pièce la plus puissante était un 30-pounder Parrott rayé inférieur au
100-pounder Blakely de l’Alabama. Dans ses mémoires et pour des raisons obvies,
Semmes conteste cet écrasement du poids plume par le poids lourd et pour
crédibiliser l’ampleur de son « exploit », il soutient que l’Hatteras possédait, sur sa
corvette, une supériorité en termes de tonnage et de nombre d’hommes
d’équipage … !
Au cours de ses six cent cinquante-sept jours de campagnes (de septembre 1862
à juin 1864), l’Alabama reste en mer pendant cinq cent trente-quatre jours. Entre le
5 septembre 1862 et le 27 avril 1864, il détruit cinquante-deux cargos nordistes, en
rançonne dix, transforme l’un d’eux en croiseur léger (le C.S.S. Tuscaloosa), revend
le Sea Bride, libère le Martha Wenzell parce que son arraisonnement a eu lieu dans
les eaux d’un pays neutre et capture quelque deux mille matelots de la marine
marchande nordiste sans pertes de vies humaines.
Dès la conclusion de la Déclaration de Paris et la suppression de la guerre de
course, la plupart des cargos qui naviguent dans les eaux occidentales cessent
d’installer des canons à leur bord. Semmes et ses homologues de la marine
confédérée n’ont donc pas à envisager la moindre résistance de leurs proies.
Comme, en 1861, les États-Unis sont la seule nation occidentale qui a encore le
droit d’utiliser des corsaires, les armateurs de leur flotte commerciale n’ont jamais
imaginé que leurs cargos deviendraient la proie de leurs compatriotes. William
Marvel s’est intéressé aux échos de la presse des principaux ports étrangers où
l’Alabama a fait escale. Il note que ses officiers et son équipage ne laissent un bon
souvenir qu’en Afrique du Sud où la société blanche jouit des mêmes privilèges
raciaux que dans les États sudistes.
En revanche, sur la côte cochinchinoise, les autorités françaises refusent de livrer
des provisions à Semmes et le morigènent ainsi que ses officiers parce qu’ils se sont
livrés, par simple plaisir, à une hécatombe de babouins apprivoisés par les
autochtones. Dans l’île insulaire de Singapour, son Singapore Adverstiser du 17,
du 24 décembre 1863 et du 21 janvier 1864, ainsi que son Singapore Free Press du
8 janvier 1864 ne tarissent dans l’expression de leur joie et de leur soulagement que
le départ de Semmes et de son équipage ont apporté à la population locale.