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autorités portuaires ont prévu de quoi secourir rescapés de l’Alabama. Le préfet
maritime ne chôme pas davantage. De sa propre initiative, il requiert le commandant
du cuirassé La Couronne de visiter le commandant du Kearsarge pour prendre des
dispositions à propos des morts et voir s’il y a lieu d’hospitaliser les blessés. Les
discussions s’avèrent délicates car Winslow n’a pas encore digéré la façon dont les
pêcheurs français et le yacht britannique Deerhound lui ont confisqué ses
prisonniers.
Vers 18 heures, deux chaloupes de La Couronne se placent à couple du
Kearsarge pour charger ses quatorze blessés (trois Fédéraux et onze Confédérés)
qui sont attendus à l’Hôpital de la Marine. À cette démarche, succède une question
susceptible de créer une nouvelle polémique en termes de droit international : que
va-t-il advenir des marins et des officiers de l’Alabama, détenus à bord du
Kearsarge ? En début de soirée, le ministre Chasseloup-Laubat télégraphie au préfet
maritime de ne prendre aucune initiative à ce sujet tant qu’il n’aura pas
formellement déterminé si le Kearsarge a repêché ses prisonniers dans les eaux
françaises ou à l’extérieur de celles-ci. Dans le premier cas, le commandant fédéral
enfreindrait le droit maritime international s’il ne les débarquait pas immédiatement
dans le port.
Tandis qu’à Paris, les ministres de la Marine et des Affaires étrangères se
concertent sur les mesures à prendre dans ce cas de figure, Winslow libère sur parole
les marins rebelles après leur avoir fait signer un document dans lequel ils
s’engagent à ne plus reprendre les armes contre l’Union tant qu’ils n’auront pas été
échangés avec des prisonniers fédéraux et dans des conditions agréant Richmond et
Washington. En revanche, il ne relâche pas les six officiers rebelles que ses hommes
repêchèrent après la destruction de l’Alabama. Les difficultés semblent donc
s’aplanir, mais Napoléon III n’en est pas informé sur-le-champ car il ne se trouve
pas à Paris mais dans son château de Fontainebleau. À 21 h 45, il dépêche un
télégramme virulent à son ministre de la Marine, dans lequel il exige de savoir
pourquoi le préfet Dupuy a forcé l’Alabama à quitter le port et pourquoi aucun
bâtiment français n’a été prévu pour secourir les victimes du combat. Sa colère à
peine voilée trouve un écho immédiat : le chef d’état-major du ministre Chasseloup-
Laubat sollicite une audience pour corriger les fausses rumeurs qui circulent à ce
propos. La réponse impériale jaillit presque comme un écho : Venez déjeuner
demain matin. Partez par le train de 9 heures.
Quant au préfet Dupuy, il n’en a pas encore fini avec cette journée fertile en
rebondissements. Au cours de la soirée, il s’applique sur le très long rapport que son
ministre (Chasseloup-Laubat) exige de recevoir sans délai. Ce rapport ne contient
rien que nous ne connaissions déjà, sauf que Dupouy ignore encore le nombre de
victimes du combat, de Confédérés détenus à bord du Kearsarge et recueillis en mer
par le yacht Deerhound.
• Déclaration d’Evan P. Jones, commandant du yacht Deerhound
« Le 9 juin 1864, nous étions près de St. Malo où nous avions
débarqué M. Lancaster et sa famille (…) Ensuite, nous avons marché
sur Cherbourg (…) où nous avons mouillé près de l’Alabama (…) Nous
n’avons pas communiqué avec l’Alabama (…) Nous avons demandé de