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l’animosité peut se répercuter sur l’échiquier international. À la fin de l’année 1866,
Lord Stanley instruit Frederic Bruce, son ambassadeur à Washington, de rouvrir le
débat en proposant un arbitrage limité. Le 7 janvier 1867, Seward reçoit de Bruce
une missive rouvrant le débat si celui-ci ne met en cause ni un membre de son
gouvernement ni le statut de belligérant que celui-ci avait accordé à la
Confédération. Seward ne réagit pas personnellement et charge son consul général
à Londres d’aviser le Foreign Office que les Américains ne refusent pas un arbitrage
si leurs deux pays en approuvent la forme.
Deux nouvelles personnalités émergent alors sur la scène diplomatique. Reverdy
Johnson remplace Adams au consulat général américain à Londres et George W.F.
Villiers, comte de Clarendon, succède à Lord Stanley au Foreign Office. Le 14
janvier 1869, tous deux paraphent la Convention dite Johnson-Clarendon. Celle-ci
engage donc formellement les gouvernements américain et britannique à désigner
les deux arbitres qui formeront la commission chargée d’examiner les demandes de
dédommagements. Si les membres de cette commission ne parviennent pas à
s’entendre, ils auront la faculté de désigner, de commun accord, un arbitre extérieur.
Dans l’éventualité où cette formule n’aboutit pas, chacune des deux parties fournira
son propre expert. Cette paire d’experts sera alors compétente pour choisir la
personnalité la plus apte à trancher leurs différends.
Le sénateur Charles Sumner ne leur laisse pas le temps d’appliquer leur
convention. Au cours d’un discours passionné au Congrès, il réclame la cession,
aux États-Unis, du Canada, des Bermudes et des Bahamas en contrepartie des deux
milliards et demi de dollars qui sont dus à son pays. La convention Johnson-
Clarendon avorte sur-le-champ.
Quand Ulysses S. Grant accède à la présidence, Hamilton Fish obtient les
Affaires étrangères et recommande à John L. Motley, le nouveau consul américain
à Londres, de temporiser avec les Britanniques jusqu’à ce que s’apaisent les effets
des vociférations de Sumner. Durant les vingt mois suivants, les cabinets
américains et britanniques s’échangent une discrète mais volumineuse
correspondance pour sortir de l’impasse dans laquelle leurs positions respectives
les ont ancrés.
Le 27 août 1870, le président Grant persuade les deux pays de créer une
commission mixte (Joint High Commission) pour aplanir leur différend. Le 8 mai
1871, les cinq délégués de cette commission signent le traité de Washington. Sur
les quarante-trois requêtes en réparations, onze concernent les dommages que les
croiseurs rebelles ont causés et six émanent de particuliers américains. Les vingtsix
derniers points traitent d’autres aspects du droit maritime international. Comme
Adams (l’ancien ministre américain à Londres) défend les intérêts des États-Unis,
Lord Russell (l’ancien ministre des Affaires étrangères britanniques) aurait été
parfait pour lui donner la réplique.
Pour éviter des heurts dus à leur antagonisme pendant la guerre civile américaine
à propos des croiseurs confédérés dont il est question à Genève, le gouvernement
britannique préfère désigner Sir Alexander Cockburn, le « n° 2 » dans la hiérarchie
des tribunaux anglais et gallois. Le comte Frederico Sclopis di Salerano représente
l’Italie, Jacques Staempfli, la Suisse et Do Itajuba, le Brésil. Leur première réunion
se tient le 15 décembre 1871 dans la grande salle de l’hôtel de ville de Genève,
désormais rebaptisée Salle Alabama.