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sur le nombre exact d’hommes tués et noyés à bord de l’Alabama. L’historien
William Marvel en a fait la synthèse dans son ouvrage The Alabama and the
Kearsarge ; the Sailor’s Civil War et il en tire la conclusion suivante :
« En quittant Cherbourg, l’Alabama portait cent quarante-six
hommes et officiers. Semmes écrivit que ses pertes s’élevaient à neuf
tués et à vingt et un blessés. On pense que quatre membres de son
équipage se noyèrent, dont le Dr Llewelyn, mais leurs corps ne furent
jamais retrouvés. Le Deerhound hissa à son bord quarante et un
hommes et officiers. La barque Deux Jeunes Sœurs du pécheur
cherbourgeois Antoine Mauger et le Lutin de Constant Gosselin en
récupérèrent dix. Le Kearsarge chargea soixante-dix Confédérés dont
six officiers, deux morts et treize blessés. Deux des hommes valides
avaient été saisis sur l’Alphonsine Marie d’Auguste Doucet. »
Vers 13 heures, le Deerhound prend le cap de la côte anglaise avec Semmes et
ses rescapés dont le matelot Frank Townsend qui avait conservé le livre de bord de
l’Alabama sous sa chemise et dans un étui hermétique. Sur le Kearsarge, les jeunes
officiers fulminent quand ils constatent que le Deerhound prend le large avec leurs
prisonniers et ils insistent auprès de leur commandant pour qu’il ordonne de tirer
un coup de semonce en travers de sa route pour le forcer à mettre en panne. S’il
n’avait pas été bloqué par ses embarcations en train de repêcher l’ennemi, Winslow
était en droit de poursuivre le Deerhound et de l’arraisonner pour le contraindre de
livrer ce que la Déclaration de Paris de 1856 inclut dans les personnes et les biens
assimilés à de la « contrebande de guerre ».
Winslow s’en abstient car il craint probablement les interprétations politiques
d’un tel geste et leurs répercussions sur l’échiquier politique. Il est impossible qu’il
ne se remémore pas les séquelles de la célèbre affaire au cours de laquelle le
capitaine Charles Wilkes de l’U.S.S. San Jacinto arraisonna le paquebot britannique
Trent le 8 novembre 1861 pour y enlever James Mason et John Slidell, les deux
nouveaux commissionnaires que Jefferson Davis venait d’envoyer en Europe. Ce
contentieux se solda de justesse par la restitution des deux prisonniers à la suite de
l’intervention pondérée du prince Charles, l’époux de la reine Victoria, mais aussi
grâce à la sagesse du président Lincoln. Énervé par l’intransigeance de William H.
Seward, son ministre des Affaires étrangères (Secretary of State), il lui aurait
rétorqué : Une guerre à la fois !
Le lieutenant Richard Armstrong raconte qu’après l’immersion de l’Alabama, il
flotta dans la mer grâce à son gilet de sauvetage. Comme le courant le déportait à
proximité du Kearsarge, il s’attendait à être capturé. Quand une baleinière ennemie
évolua à proximité de lui, il se rendit compte que les marins ennemis le négligèrent
ostensiblement car ils semblaient obnubilés par l’envie de capturer Semmes :
« L’une de leurs chaloupes passa près de moi et me dédaigna. Leurs
officiers recherchaient une personne en particulier (…) Pourtant, j’avais
encore mon képi sur la tête et je me trouvais tout près du Kearsarge. Il
est impossible que l’officier fédéral ne m’ait pas remarqué. »
Les faits assoient l’opinion généralement admise que Semmes affiche un
drapeau blanc pour faire taire le tir ennemi et se défiler sans respecter les