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compagnie Fraser & Trenholm de Liverpool et qu’ils comptaient armer en guerre à
l’extérieur des eaux britanniques ou dans des eaux plus permissives.
Pendant l’automne 1863, Dudley remporte sa plus grande victoire. Se fondant
sur les rapports circonstanciés du détective Matthew Maguire et de ses hommes de
main, il convainc les autorités britanniques de procéder à la saisie de deux cuirassés
en cours d’achèvement à flot dans les chantiers de John Laird à Birkenhead. Cet
exploit se révéla une monumentale défaite pour les projets navals des Confédérés
en Grande-Bretagne car la mise en service de ces deux cuirassés aurait pu contribuer
au déblocage de plusieurs ports sudistes. Ce fut également une terrible déception
pour Bulloch car nous verrons que le ministre Mallory le dessaisira du
commandement de l’Alabama pour l’assigner au suivi de ces deux cuirassés
pendant qu’ils étaient encore en chantier.
Revenons au « 290 » et aux soupçons que Dudley entretient à son sujet.
Trop d’ouvriers, d’employés et de fonctionnaires de la construction navale et
trop de matelots sont impliqués dans tout ce qui gravite autour de cette corvette
pour qu’elle ne suscite pas des questions et des bavardages. En outre, les fonds
secrets américains ne lésinent pas quand il s’agit de délier les langues sur les docks
et dans les bouges du port. Le 4 avril 1862 après avoir fait la synthèse des rapports
du détective Maguire sur l’identité et la vraie destination du « 290 », Dudley
constitue, pour son ministre à Londres, un épais dossier décrivant ses
caractéristiques techniques et contenant les pièces administratives certifiant que les
autorités espagnoles n’en ont jamais passé commande.
Comme les fuites à propos du « 290 » inquiètent Bulloch, il consulte Frederick
S. Hull, son conseiller juridique, pour en évaluer les conséquences éventuelles. Hull
maintient que, théoriquement, l’absence d’armement à bord du bâtiment exclut de
l’assimiler à de la « contrebande de guerre », mais il conseille de le faire sortir au
plus vite des eaux britanniques pour le soustraire à un éventuel revirement de la part
du Foreign Office (Affaires étrangères britanniques). Le 15 mai 1862, le « 290 »
émerge de son dock. Bulloch l’a provisoirement baptisé Enrica, la version
hispanique du prénom de Henrietta N. Duncan, la nièce d’Alexander B. Hope, un
ardent supporter du Sud au Parlement britannique et l’épouse d’Archibald
Hamilton, un homme d’affaires londonien qui est entré en relation avec Bulloch dès
le début des hostilités et s’est impliqué dans l’achat et le trafic d’armes pour la
Confédération.
Le 11 juin, l’arrivée de deux lettres décontenance Bulloch. Dans la première,
datée du 30 avril 1862, Mallory l’enjoint de superviser la construction de deux
cuirassés armés dans les chantiers navals de Laird à Birkenhead dès que le « 290 »
aura gagné les eaux internationales. Il s’agit des cuirassés dont nous venons de
parler et dont le consul Dudley obtiendra la saisie pendant l’automne 1863. Dans
sa seconde lettre, Mallory explique à Bulloch que sa mission à Birkenhead exige
qu’il cède l’Alabama à Raphaël Semmes. Quand Mallory rédige ce courrier, il n’est
pas au courant du chassé-croisé qui a abouti à la désignation du lieutenant John N.
Maffitt au commandement du Florida. Ces péripéties, il les apprend un mois après
le départ de ses deux lettres en raison des difficultés à acheminer rapidement ses
dépêches en Grande-Bretagne et à recevoir celles qui en émanent. Le jour même de
la réception de la missive de Mallory, Bulloch fixe à North un rendez-vous, au plus