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Cette observation, l’historien John Hussey (l’auteur de Cruisers, Cotton and
Confederates) s’y inscrit autant que ses confrères français et américains dans
l’analyse de la frustration de Semmes qui qualifie de tromperie (cheat perpetrated
on his ship) l’intelligence que son adversaire avait manifestée pour protéger les
flancs de son bâtiment en les recouvrant l’ancres en acier. En revanche, lorsqu’il
écrit au commodore Barron, Semmes relate les effets du blindage du Kearsarge,
mais n’ose même pas insinuer qu’il en ignorait l’existence. Le cas échéant, Barron
l’aurait morigéné car il savait que, déjà avant le combat, cette protection avait
alimenté les conversations des officiers français et rebelles. De surcroît, il est exclu
d’ignorer l’accablant témoignage du lieutenant George T. Sinclair auprès de Barron
à Paris car il lui relata obligatoirement son entretien avec Semmes, la veille du
combat, et sa mise en garde à propos du blindage du Kearsarge.
Bulloch dénonce le persiflage de Semmes à propos de Winslow :
« Sur terre ou sur mer, personne n’a jamais considéré qu’un officier
recourait à une ruse déshonorante s’il camouflait ses forces pour inciter
un adversaire qui lui est inférieur à l’attaquer (…) Je ne me sens pas
obligé d’émettre des considérations spécifiques sur les mérites de
Semmes ou sur cette affaire particulière au cours de sa carrière (…) En
tant qu’officier soumis aux exigences du service en mer, il ne se
distingua pas spécialement. Il n’avait ni le physique ni les audaces qui
contribuent à façonner un excellent officier de pont et il n’avait aucun
don particulier dans l’art de conduire un navire dans des évolutions qui
s’écartent de l’ordinaire (…) Le capitaine Winslow a eu raison de faire
ce qu’il pouvait pour renforcer la protection de son sloop et rien ne
l’obligeait à en informer Semmes. »
Dans ses « Pensées », Pascal écrit : Un prince sera la fable de toute l’Europe, et
lui seul n'en saura rien. Lors de la rédaction de ses mémoires, Semmes n’imagine
pas un instant que la numérisation des archives de la presse du XIX e siècle cisèlera
ses mensonges et les étalera au grand jour. Ce sont ces archives et ces anciennes
coupures de presse qui apprirent à l’historien et professeur Colyer Meriwether que
le « blindage » du Kearsarge avait attiré l’attention dans les ports français et
britanniques longtemps avant le combat.
« Les critiques émises par Semmes à propos des chaînes qui
protégeaient le Kearsarge sont absolument irrecevables. Même si ce
dispositif n’avait pas déjà été largement commenté, on pourrait le
considérer comme une ruse tout à fait honorable, comparable aux faux
drapeaux que hissait Semmes pour tromper ses proies. »
En outre, cet auteur a retrouvé le quotidien local qui, la veille ou l’avant-veille
du combat, décrivit les chaînes du Kearsarge avec une précision qui conforte
l’assertion selon laquelle toute la ville connaissait l’existence de ce dispositif :
« Elles mesurent 21 mètres de long, se composent d’anneaux en
acier de sept dixièmes de pouces d’épaisseur et elles couvrent un espace
de 15 mètres de long sur 1,80 mètre de large. »