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bâtiments exigeaient un calfatage sommaire qui ne pouvait s’effectuer qu’après le
transbordement de sa cargaison. Dans le récit de ces événements, qu’il rédigea en
1880, le capitaine Butcher conteste la version de Semmes et précise que c’est lui et
personne d’autre qui rassura les Portugais parce qu’il avait déjà rencontré leurs
officiers et leurs autorités insulaires au cours de sa carrière maritime, ce qui n’était
pas le cas du commandant de l’Alabama.
Le 24 août 1862, le « 290 », le Bahama et l’Agrippina du capitaine McQueen
reprennent de conserve la haute mer en direction de Nassau et de Liverpool tandis
que Semmes procède au baptême du C.S.S. Alabama. La description qu’il donne de
ladite cérémonie ressortit évidemment à la grandiloquence. Revêtus de leur
nouvelle vareuse grise, les marins se seraient agglutinés sur la demi-dunette pendant
que leur commandant, juché sur l’un de ses canons, leur aurait fait lecture de la
commission que le président Jefferson Davis lui a délivrée. Dès la fin de sa tirade,
un matelot affale l’Union Jack (les couleurs britanniques) tandis qu’un autre hisse
celles de la Confédération et qu’un troisième boute le feu à l’une de leurs pièces,
chargée à blanc. Après cette brève cérémonie, quelques officiers entament
l’enrôlement des quatre-vingt-deux gaillards que tente cette aventure. Une solde
nettement supérieure à celle qui a cours dans la plupart des marines marchandes et
la promesse de toucher une part du butin prélevé sur leurs futures prises américaines
les ont convaincus de signer car ils ne se soucient pas de l’avenir de la « Cause ».
En plus de quelques nouvelles têtes, la plupart des officiers de l’Alabama sont
des anciens du Sumter. Il y a évidemment John McIntosh Kell, son commandant en
second. Né en Géorgie en 1823, Kell entre à dix-sept ans dans l’Académie militaire
des États-Unis (l’Académie navale d’Annapolis n’a pas encore été créée) et
participe à la guerre contre le Mexique. Lorsque son État natal fait sécession, il
démissionne de l’U.S. Navy et s’engage dans les forces navales esclavagistes.
Après la destruction de l’Alabama à Cherbourg, Kell gagnera la Virginie, y sera
promu full captain et commandera l’un des plus gros cuirassés de l’escadre du
fleuve James en lisière de Richmond. Son service y sera relativement calme car les
Rebelles n’oseront pas confronter leurs cuirassés aux monitors blindés qui
maîtrisent le fleuve. Depuis le duel qui a opposé le C.S.S. Virginia (ex-Merrimac)
à l’U.S.S. Monitor dans la baie d’Hampton Roads, le 9 mars 1862, tous les cuirassés
de l’Union, bâtis selon ce prototype, seront désignés comme des bâtiments
appartenant à la classe dite des monitors.
Après la guerre, Kell ne cherchera pas à recouvrer ses droits civiques en prêtant
le rituel serment d’allégeance à l’Union. Il se tiendra à l’écart de la politique,
s’investira dans l’agriculture à Sunnyside en Géorgie et, de temps à autre, accordera
une interview à des journalistes anglais et américains en quête d’informations
complémentaires sur le combat de Cherbourg. Il publiera ses mémoires, trois ans
avant son décès, en 1900.
Les principaux officiers subalternes de l’Alabama, tout au moins ceux qui
interviennent dans ce texte sont les 2 e lieutenants Richard F. Armstrong et Beckett
K. Howell, le 3 e lieutenant Joseph D. Wilson, le 4 e lieutenant William H. Sinclair,
le chef des machines Miles J. Freeman, le maître canonnier James Evans, le maître
voilier Arthur Sinclair, les maîtres Julius Schroeder et Maximilian von Meulnier
(deux mercenaires issus de la marine de guerre prussienne), le maître George T.
Fullam, le médecin principal Francis L. Galt et le médecin adjoint David H.