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mais importante au sein du Foreign Office et entretenait des liens étroits avec
Frederick Bond, le « patron » de la Workshipful Co. of Gunmakers qui vendait des
armes aux Confédérés et comptait Henry Hotze parmi ses intimes, en l’espèce le
cerveau de la propagande sudiste à Londres.
Sachant que l’U.S.S. Tuscarora peut surgir à tout moment du chenal St. George,
entre l’Irlande et l’Angleterre, Bulloch ordonne au capitaine Butcher d’appareiller
avec le « 290 ». Le 28 juillet 1862, celui-ci descend le fleuve Mersey jusqu’à
Seacombe pour entrer dans la mer d’Irlande. Bulloch et Butcher sont les seuls à
savoir que la corvette doit cingler directement sur les Açores à l’issue de ce
théorique second essai en mer. Le lendemain, Bulloch endort la vigilance du
consulat américain en organisant un cocktail sur le « 290 », ostensiblement pour
célébrer son ultime essai avant sa livraison définitive. En début de soirée, Bulloch
et ses invités regagnent la côte à bord du remorqueur Hercules affrété par John Low.
Dans le même temps et sous les ordres du capitaine Butcher, le « 290 » gagne la
baie de Moelfra, sur la côte du Pays de Galles.
Bulloch et Low ont prévu de les y rejoindre avec le remorqueur Hercules et des
marins supplémentaires. Dans la matinée du 30 juillet, ils se trouvent à Woodside
Landing lorsqu’ils sont apostrophés par une troupe en effervescence. Il s’agit des
marins qu’ils ont débauchés, accompagnés de leur épouse qui exige de percevoir
leur traditionnelle avance d’un mois sur les gages de leur homme. En fin d’aprèsmidi,
ils appareillent pour la baie de Moelfra, à 60 milles marins en amont, dans
laquelle le « 290 » s’est embossé. Pour calmer les épouses, Bulloch leur fait servir
des grogs pendant qu’il enregistre les matelots qui croient signer pour La Havane.
Vers minuit, le remorqueur Hercules reconduit ces femmes sur la terre ferme.
Cette journée du 30 juillet a surchauffé quelques autres cerveaux. Quand il
apprend que le « 290 » vient de quitter Liverpool, le consul Dudley est atterré et le
ministre Adams pique une colère. Par télégramme, il ordonne au commandant de
l’U.S.S. Tuscarora de l’intercepter, mais il ne sait pas que le commandant du
« 290 » a choisi une route inhabituelle car plus risquée pour gagner les Açores. Le
lendemain (31 juillet), la douane de Liverpool reçoit successivement deux
télégrammes ordonnant l’immobilisation de la corvette sudiste car, la veille, Lord
Russell a autorisé le procureur John Harding à en prononcer la saisie. Non
seulement cette ordonnance chemine lentement entre le Foreign Office,
l’Exchequer (ministère des Finances) et le Bureau central des Douanes de Londres,
mais le clerc de ce bureau n’expédie le télégramme que le 31 juillet. Pendant que
cette note flâne, le consul Dudley fulmine en silence parce que le contrôleur de la
douane de Liverpool reste introuvable. Plus tard, l’enquête révéla qu’il militait pour
la cause esclavagiste et qu’il spéculait sur le coton.
Ce même 31 juillet 1862, le « 290 » droppe ses ancres à Giant’s Causeway, au
nord de la mer d’Irlande, pour y débarquer Bulloch. Le lendemain à Liverpool,
celui-ci entreprend de compléter l’équipage du « 290 » car les marins qui servent à
son bord sont en nombre insuffisant et rien ne prouve qu’ils consentiront tous à
s’enrôler sur un navire de guerre confédéré. Sachant que Semmes et deux ou trois
de ses officiers sont partis pour Nassau après la vente du Sumter, Bulloch attend le
retour du cargo Bahama pour les y rejoindre avec l’ancien équipage du Sumter et
les deux canons de 32 livres qu’il vient d’acquérir. Quelle n’est donc pas sa surprise
lorsque, le 8 août 1862, Semmes et le lieutenant Kell apparaissent soudainement à