You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
51
Entre-temps, Winslow s’est rapproché et le combat atteint son acmé.
L’explosion d’un obus de son Parrott rayé de 4,2 pouces ou de son Dahlgren de 11
pouces démembre ou met hors de combat vingt des vingt-deux canonniers
confédérés qui servent le canon de 8 pouces du lieutenant Joseph Wilson, installé
entre le grand mât et le mât d’artimon. Comme cette pièce est l’un de ses atouts
majeurs, Semmes ou son second hurle aux servants d’un 32-pounder en bordée de
remplacer la section décimée de leur 8 pouces et de verser du sable sur le pont pour
ne pas glisser sur le sang. Le lieutenant Kell commente l’horreur contenue dans
cette action : Nous fûmes forcés de jeter par-dessus bord les troncs et les membres
déchiquetés pour recharger le canon de 8 pouces. Il exprime aussi son admiration
pour le sang-froid de l’un de ses matelots, qui rejeta à la mer un obus sur le point
d’exploser. Le marin anonyme que cite Joseph McKenna vécut ces terribles instants
sur la corvette sudiste :
« L’un des nôtres, il s’appelait James Hart, nous apportait un obus
quand il fut écrabouillé (…) Quelques autres de nos hommes furent
blessés et on les descendit dans les soutes (…) Le jeune Gallois John
Roberts eut le ventre ouvert, laissant jaillir ses entrailles (…)
L’enseigne Anderson fut jeté par-dessus bord et sa jambe arrachée resta
sur le pont.
« Huit morts et une douzaine de blessés n’avaient pas été descendus
dans la soute et gisaient sur notre pont. Certains d’entre eux avaient été
coupés en morceaux, il régnait un terrible désordre à notre bord mais
pas vraiment de la panique (…) Un jeune Prussien qui servait l’un de
nos canons dévala dans les soutes en hurlant qu’il était blessé. Comme
il n’en était rien, le docteur le renvoya sur le pont mais lorsqu’il y
réapparut, l’un des nôtres l’abattit dans le dos. Le tireur est un certain
James Higgs (ou Hicks) qui avait servi dans la Royal Navy. »
Le marin fédéral John Bickford raconte qu’en plus de tirer mal, les canonniers
de l’Alabama perdent parfois leur sang-froid car il s’aperçut que certains de leurs
obus n’explosent pas parce que leur amorce n’a pas été ôtée avant de faire feu. En
revanche, la sérénité des hommes du Kearsarge transcende le bruit et la fureur, ils
obéissent comme à l’exercice et leurs tirs fracassent la corvette de Semmes avec
une létale efficacité. William Alsdorf du Kearsarge se souvient :
« Le lieutenant (James S.) Thornton passait d’un canon à l’autre en
répétant aux pointeurs de prendre leur temps : ne tirez pas avant d’avoir
soigneusement visé car un coup au but vaut plus que cinquante coups
ailleurs. »
L’explosion de l’obus confédéré dans l’étambot du Kearsarge aurait handicapé
ses capacités manœuvrières, mais elle n’aurait pas entamé les facultés destructrices
de ses grosses pièces sur pivot. Semmes va s’en rendre compte tout de suite. Il
ordonne de pousser la pression de ses chaudières au maximum afin de se coller au
sloop fédéral pour l’assaillir à l’abordage. Il n’en a pas le temps, deux autres obus
de 11 pouces font trembler l’Alabama jusqu’à la quille. Le premier enflamme son
magasin, le second ouvre un trou béant au niveau de sa ligne de flottaison et éclate
au milieu de ses chaudières.