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l’Alabama et la côte, et l’empêcher de la regagner s’il se trouvait en
difficulté. Après avoir croisé l’Alabama, le Kearsarge essaya de
l’arrondir par la poupe pour lui asséner une volée meurtrière.
Contrecarrant sa manœuvre, Semmes vira également de bord et tous
deux entamèrent un premier cercle (…) Soixante-dix minutes après
avoir ouvert le feu, l’Alabama commença à couler. La pièce de
11 pouces de Winslow avait ouvert des brèches impossibles à colmater.
À chaque mouvement des vagues, pourtant léger, l’eau s’engloutissait
dans ses soutes. Semmes essaya de gagner la côte en déployant sa
voilure pour aider ses chaudières, mais ses feux s’éteignirent bientôt.
Pendant ce temps, le Kearsarge se rapprocha et prit la poupe de
l’Alabama sous un tir d’enfilade qui ne cessa que lorsque l’Alabama
commença à sombrer. Lorsqu’il comprit que son vaisseau était blessé à
mort, Semmes fit amener ses couleurs. Les deux commandants
contestèrent ce qui suivit.
« Semmes soutint que le Kearsarge continua de tirer en dépit de son
drapeau blanc. Quant à Winslow, il affirma que l’Alabama lui délivra
encore deux boulets en dépit du fait que son Kearsarge avait cessé le
feu, ce qui l’incita à riposter (…) Quiconque lit le rapport de Winslow
est conscient de l’effet de ses tirs sur l’Alabama et admettra que tous
ceux qui servirent sur le Kearsarge méritent une mention spéciale en
termes d’efficacité et de discipline, comme la plupart des membres du
service naval des États-Unis. »
Parce qu’il émane d’un officier confédéré, le témoignage de Bulloch est
nettement plus recevable que les allégations de Semmes, qui visent surtout à
expliquer avantageusement les raisons de sa correction. Plusieurs détails techniques
confortent l’opinion de Bulloch : dans son rapport au ministre Gideon Welles,
Winslow aurait pu être tenté d’imiter Semmes en s’attribuant un rôle héroïque à
bord d’un navire pris sous la tourmente du feu ennemi. N’étant pas un fanfaron, il
relate simplement qu’il a subi très peu de dégâts : des perforations de sa cheminée
et des dommages mineurs dans ses superstructures. Les faits démontrent que ses
canonniers logèrent avec plus de précision leurs projectiles dans les œuvres vives
et les œuvres mortes de la corvette rebelle, en dépit du fait que les secondes offraient
moins de surface que celles du sloop fédéral. Dans ses commentaires sur le combat,
Bulloch affirme que, s’il avait explosé, cet obus dans l’étambot du Kearsarge aurait
assuré la victoire de l’Alabama. Son opinion est purement théorique car il
n’examina pas in situ l’objet en question. En outre, les ingénieurs de l’amirauté
fédérale réfutèrent son hypothèse.
Après avoir interrogé les rescapés confédérés à Cherbourg, Bulloch confirme la
version de Winslow à propos d’un tragique malentendu. Malgré le drapeau blanc
affiché par Semmes, l’enseigne Irvine Bulloch et un autre officier firent feu à deux
reprises avec une pièce de 32 livres et les Fédéraux ripostèrent sur-le-champ.
En raison de leur caractère rédhibitoire, nous n’avons pas cité les commentaires
de personnalités politiques ou militaires nordistes sur ce qui avait incité Semmes à
livrer bataille en dépit des recommandations variées et fondées qui visaient à l’en
dissuader. Nous avons vu qu’après la guerre, la plupart des officiers qui écrivirent