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d’incident était courant dans les marines de guerre. Cette allégation est invalidée
par les Official Records of the Union and Confederate Navies qui confirment
qu’aucun autre croiseur sudiste ou nordiste n’eut à déplorer cet inconvénient au
cours du conflit. Pour conforter cette observation, William Marvel, l’auteur de The
Alabama and the Kearsarge : the Sailor’s Civil War, observe que le Kearsarge
avait embarqué sa poudre et ses obus depuis le 24 janvier 1862, soit sept mois avant
la mise en service de l’Alabama et que, durant leurs opérations, aucun des deux
commandants ne fut autorisé à remplacer ses munitions dans un port étranger. Dans
son rapport du 21 juin 1864 au commodore Barron, Semmes fait preuve d’une
flagrante sournoiserie vis-à-vis de Kell, son brave second qui lui a pourtant sauvé
la vie en le maintenant à la surface des flots. Lorsque Semmes rédige ce rapport, il
feint d’ignorer que la presse française a déjà relaté les raisons de la déficience de
ses munitions. Recourant à une subtile hypocrisie épistolaire, il écrit :
« Je ne me priverai pas de souligner que M. Kell, mon second, mérite
des éloges particuliers pour l’excellente condition dans laquelle notre
navire entra en action (…) et en ce qui concerne notre batterie et notre
soute aux munitions. »
Cet éloge contient un irréfutable non-dit que n’importe qui perçoit aisément :
Semmes se décharge de toute responsabilité dans la mauvaise gestion de sa soute
aux munitions et oblitère la mise en garde de Kell à ce propos lorsqu’il lui annonça
son intention de livrer bataille.
Titillés par la personnalité très controversée du commandant de l’Alabama, les
meilleurs spécialistes américains de la marine de guerre confédérée ont commenté
sa version de sa défaite après son unique confrontation avec un bâtiment de la classe
de son navire. William C. Davis figure parmi les plus sérieux historiens de la guerre
civile américaine. Il est notamment le récipiendaire d’une dizaine de prix littéraires
dont trois Jefferson Davis Awards. Pour prétendre à cette récompense, il a dû
prouver qu’un de ses ascendants avait servi loyalement dans les forces armées
confédérées. Cette mention vise essentiellement à souligner que cet auteur
n’entretient aucune animosité vis-à-vis des personnalités sudistes. Pourtant, dans
son livre The Cause Lost, Myths and Realities of the Confederacy, il lamine
Semmes sous ses sarcasmes :
« Le capitaine Winslow n’eut pas besoin de bâtir un mythe pour
expliquer sa victoire (…) Il se mesura à l’Alabama, le bâtit et cela
résuma toute l’affaire (…) Semmes refusa d’admettre que Winslow
combattit plus intelligemment que lui (…) Il affirma qu’il perdit parce
que son adversaire avait eu l’incorrection de ne pas l’informer de ses
intentions (les chaînes et les ancres recouvrant ses œuvres mortes) et
qu’il n’aurait pas livré bataille s’il avait connu la présence de ce
dispositif sur le Kearsarge (…)
« Le capitaine Semmes ne révéla jamais ses intentions aux navires
qu’il captura (…) et il décrivit comme une action glorieuse sa victoire
sur l’Hatteras alors qu’il le canonna sans sommation immédiatement
après avoir hissé ses couleurs (…) Dans le mythe qu’il créa autour de
sa défaite, Semmes accusa Winslow d’avoir manifesté, à son égard, une
discourtoisie dont lui-même était coutumier avec ses victimes. »