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Neil_Strauss_The_Game-Ebook-Gratuit_co

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— Encore heureux ! Il a bousillé ma vie et celle de ma mère. » Mystery a

relevé son chapeau. Les larmes lui faisaient comme des lentilles de contact,

incapables de couler. « La nuit, je restais allongé dans mon lit à me demander

comment je pourrais le tuer. Quand j’allais vraiment mal, je m’imaginais dans sa

chambre lui fracassant le crâne avec une pelle avant de me suicider. »

Il s’est interrompu et s’est essuyé les yeux du revers de sa main gantée.

« Quand je pense à mon père, je pense violence. Je le revois cogner des gens

quand jetais tout petit. Le jour où on a dû tuer notre chien, il a pris son flingue et

lui a fait sauter la cervelle devant moi. »

Le douanier est ressorti du bureau et a fait signe à Marko de descendre de

voiture. Ils ont brièvement discuté ; puis Marko lui a donné quelques billets.

Pendant que nous attendions de juger l’efficacité de ce pot-de-vin de quarante

dollars – un mois de salaire à en Transnistrie –, Mystery s’est ouvert à moi.

Son père était un émigré allemand qui le maltraitait et l’humiliait. Son frère,

de quatorze ans son aîné, était homo. Et sa mère s’en voulait de l’avoir pourri

d’amour afin de compenser la violence de son mari. Du coup, pour équilibrer,

elle n’avait jamais été proche de Mystery. Toujours puceau à vingt et un ans, il

s’était inquiété d’une éventuelle homosexualité. Alors, dans un accès de

déprime, il avait entrepris d’élaborer ce qui devint la méthode Mystery. Il

consacrait sa vie à rechercher l’amour que ses parents ne lui avaient jamais

accordé.

Deux autres pots-de-vin identiques, à deux autres personnages, nous ont

permis de passer la frontière. Accepter l’argent ne leur suffisait jamais. Chaque

pot-de-vin a demandé une heure et demie de palabres. Qui sait, ils essayaient

peut-être de nous donner le temps de nous connaître, Mystery et moi ?

Quand enfin nous sommes arrivés à Odessa, nous avons évoqué la

Transnistrie avec la réceptionniste de l’hôtel. Elle nous a expliqué que ce pays

était le fruit d’une guerre civile moldave, provoquée en grande partie par

d’anciens apparatchiks communistes, l’élite de l’armée et les bérets noirs

nostalgiques des grandes heures de l’URSS. L’endroit ne connaissait aucune

règle, c’était le Far West du bloc de l’Est, un pays que peu d’étrangers osaient

visiter.

Quand Marko lui apprit notre aventure à la frontière, elle répondit :

« Vous n’auriez pas dû lui demander de vous arrêter.

— Pourquoi ?

— Parce que là-bas, ils n’ont pas de prisons.

— Et qu’est-ce qu’ils auraient fait de nous ? »

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