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En participant à la vie politique <strong>de</strong> l’époque, mais sans une implication particulière<br />
dans les mouvements révolutionnaires <strong>de</strong> 1848, Alexandrescu s’est révélé être un simple<br />
observateur politique et surtout morale. “Esprit Gaulois” 6, (surnom attribué par N.<br />
Manolescu), Alexandrescu a fait partie <strong>de</strong> la génération qui<br />
“a créé <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>s paradigmes durables <strong>de</strong> la poésie roumaine, celui dérivé du latin (sous<br />
les influences italienne et française, lamartinisme, alexandrin iambique, élégiaque,<br />
méditation, mélancolie, etc.) et celui du folklore autochtone (mythe national et passé<br />
historique, militantisme, etc.), sans réduire la valeur <strong>de</strong> la langue littéraire, restée jusqu’à<br />
présent sous la même forme, mais en introduisant <strong>de</strong>s espèces et <strong>de</strong>s genres mo<strong>de</strong>rnes”. 7<br />
Grigore Alexandrescu n’a pas excellé en reliant les rimes, mais les espèces littéraires<br />
qu’il a promues à cette époque-là étaient différentes: l’élégie (Minuit, Adieux. A Târgovişte),<br />
la méditation (L’ombre <strong>de</strong> Mircea. A Cozia), la satire (Satire. A mon esprit), la fable (La<br />
hache et la forêt, Le chien et le chiot, La justice du lion). L’attention du lecteur est attirée<br />
par les œuvres qui versifient l’esprit politique <strong>de</strong> l’époque, en particulier la fable et la satire<br />
et, par conséquent, les œuvres <strong>de</strong> l’écrivain roumain “sont variées et très précieuses. Sa<br />
composition est réussie et tout à fait claire. Pourtant, la versification n’est pas parfaite”. 8<br />
Que ce soit <strong>de</strong> la satire ou <strong>de</strong> la fable comme espèces prises par connexion française, ou<br />
que ce soit <strong>de</strong>s productions originales, Alexandrescu a été en mesure d’y ajouter <strong>de</strong>s notes<br />
personnelles: “Dans ces productions didactiques, le poète démontre une constante affinité<br />
pour le classicisme plutôt que pour le romantisme français.” 9 Parmi les modèles que la<br />
littérature occi<strong>de</strong>ntale a proposés comme une catégorie d’espèces littéraires à part et<br />
auxquelles Alexandrescu a accordé une attention particulière s’inscrivent les espèces<br />
cultivées par La Fontaine. En effet, le fabuliste roumain doit beaucoup au grand poète<br />
français par certains éléments <strong>de</strong> technique artistique. Les faits politiques <strong>de</strong> l’époque ont<br />
“mis en forme” sa poésie et la fable d’Alexandrescu est tributaire à la fable <strong>de</strong> La Fontaine,<br />
quant au niveau <strong>de</strong>s données techniques du genre. Le poète, lui-même, avait dévoilé les<br />
significations politiques et satiriques, les physionomies et les moralités, par l’intermédiaire<br />
<strong>de</strong> certaines <strong>de</strong> ses œuvres, ce qui lui avait donné l’occasion d’une longue méditation. Mais<br />
l’allusion satirique est justement une caractéristique du genre, dont le développement est<br />
soumis à <strong>de</strong>s régimes stricts <strong>de</strong> <strong>de</strong>spotisme et d’interdiction <strong>de</strong> la liberté d’expression. Ainsi,<br />
La Fontaine est actuel par ses fables en présentant, <strong>de</strong> façon dramatique, les réalités <strong>de</strong> sa<br />
nation. Son œuvre constitue la “source” <strong>de</strong>s situations politiques et sociales locales,<br />
caractéristiques aux réalités <strong>de</strong> Roumanie à cette époque-là: “Les fables sont aussi célèbres<br />
dans notre littérature que celles <strong>de</strong> La Fontaine dans la littérature française ou celles <strong>de</strong><br />
Krîlov dans la littérature russe”. 10<br />
L’ironie d’Alexandrescu est celle d’un esprit qui se moque <strong>de</strong> tout et <strong>de</strong> tous dans <strong>de</strong>s<br />
épîtres et <strong>de</strong>s satires (dans L’Union <strong>de</strong>s principautés): “Dans leurs tombeaux, Bogdan et<br />
Mircea ont convenu / D’unir les Roumains…” 11 et sa satire est, par excellence, politique.<br />
D’ailleurs, la fable était, à cette époque-là, un moyen <strong>de</strong> contourner la censure et l’ironie<br />
d’Alexandrescu s’avérait être insensible à l’art <strong>de</strong>s contemporains. Sa prédilection pour la<br />
fiction est expliquée par les nombreuses possibilités <strong>de</strong> satiriser les événements politiques.<br />
Sous le masque <strong>de</strong> la versification, on pourrait tout dévoiler et, par l’humour, l’auteur<br />
affirme ce qu’il semble nier - dans L’épître à M. Majeur Voinescu II. 12 Silvian Iosifescu<br />
appréciait que “le scepticisme adopté dans L’épître D.V.II était en accord avec son style<br />
ironique. Le poète défend, <strong>de</strong>rrière un sourire, l’innocence <strong>de</strong> ses fables”. 13 Par ailleurs, dans<br />
la correspondance, Alexandrescu préfère dissimuler discrètement l’ironie, le dégoût et<br />
l’amertume qui lui a inspiré le déni, tout aussi que les concessions morales <strong>de</strong> l’époque. Dans<br />
son œuvre, l’ironie est une sorte <strong>de</strong> déguisement <strong>de</strong> la fable et la “la censure la plus sage”,<br />
rappelée dans L’Epître à M. Voinescu 14 suggère une telle qualification.<br />
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