VULGARISATION SCIENTIFIQUE - Colloque Sciences médias et ...
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<strong>et</strong> Pécuch<strong>et</strong>, les condamne irrémédiablement à ne pouvoir chercher autre chose que<br />
savoir pour savoir. Leur savoir ne débouche, ou ne se fonde, sur aucun savoir-faire,<br />
aucune pratique, bien qu’il en pressente constamment la nécessité. Mais à peine tentée,<br />
la pratique échoue. Les personnages vont de déboires en déboires, d'échecs en échecs,<br />
sans toutefois que leur soif de connaissances s'en trouve altérée un instant, les<br />
précipitant sans arrêt dans de nouvelles recherches au gré des caprices de leur désir <strong>et</strong><br />
des hasards de leurs rencontres.<br />
Plus on avance dans la lecture du roman <strong>et</strong> mieux on comprend que Bouvard <strong>et</strong><br />
Pécuch<strong>et</strong>, en faisant résolument face à leur désir, se voient en même temps confrontés à<br />
l'impossibilité de sa satisfaction. L'auteur fait parcourir à ses personnages un long<br />
détour encyclopédique qui ne se démasque qu'à la fin.<br />
En eff<strong>et</strong>, ne devaient-ils pas se r<strong>et</strong>rouver, selon les plans laissés par Flaubert, occupés<br />
comme devant à la tâche la plus bête qui soit : "copier" ? Car tel était leur savoir-faire : la<br />
calligraphie.<br />
En réalité, un seul événement échappe à c<strong>et</strong>te logique narrative fondée sur la quête d'un<br />
obj<strong>et</strong> impossible, <strong>et</strong> c'est la rencontre accidentelle des deux personnages à la première<br />
page du livre. C<strong>et</strong>te rencontre n'a, à proprement parler, rien à voir avec le délire<br />
scientifique à deux qui s’ensuit, <strong>et</strong> c'est pourtant à elle que celui-ci est entièrement<br />
suspendu. Les deux personnages se découvrent—même sexe, mêmes gestes (« ils<br />
s'assirent à la même minute sur le même banc » p.713), même idée (« celle d'inscrire<br />
notre nom dans nos couvre-chefs » p.713), même métier, même passé (« chacun en<br />
écoutant l'autre r<strong>et</strong>rouvait des parties de lui-même oubliées » p.715), même situation<br />
familiale, même âge (« c<strong>et</strong>te coïncidence leur fit plaisir, mais les surprit, chacun ayant<br />
cru l'autre beaucoup moins jeune. Ensuite ils admirèrent la Providence, dont les<br />
combinaisons sont parfois merveilleuses » p.718), <strong>et</strong>c...— à la suite d'une série de<br />
coïncidences qui nous apparaît immédiatement comme d'une impossibilité analogue à<br />
celle qui interdit à deux parallèles de se rejoindre.<br />
Flaubert commente (p.719) :<br />
« Ainsi leur rencontre avait eu l'importance d'une aventure. Ils s'étaient, tout de suite, accrochés<br />
par des fibres secrètes. D'ailleurs comment expliquer les sympathies ? Pourquoi telle<br />
particularité, telle imperfection, indifférente ou odieuse dans celui-ci, enchante-t-elle dans celuilà<br />
? Ce qu'on appelle le coup de foudre est vrai pour toutes les passions. »<br />
Ainsi, tout le roman s'articule sur le rapport entre c<strong>et</strong>te rencontre unique, résultat d'un<br />
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