Faux-fuyants et vraies fuites Gilles Josse 1/358

Faux-fuyants et vraies fuites Gilles Josse
Oui, c’est ainsi que j’ai envie de t’appeler, « mon
amour », le mien, le seul, le vrai, l’unique, car il est vrai que
depuis ton départ de Borovnik, tu occupes toutes mes
pensées, à toutes les heures du jour, et même parfois de la
nuit, quand je peine à dormir, cherchant désespérément ton
corps et ta main à mes côtés.
Je ne sais pas très bien comment cela a pu arriver, mais il
est certain que je suis tombée désespérément amoureuse de
toi ; désespérément, voilà justement un mot qui ne me plaît
guère, qui me fait même froid dans le dos, car il est si
radical. C’est pourtant cela que je ressens, du désespoir,
quand je pense avec horreur que je t’ai laissé partir.
Oui, tu le sais, Andréas Katarinova, le mari d’Anna avec
qui tu es parti loin là-bas, sur le Doumsk, avec ta baleine
retrouvée, était l'un de mes nombreux amants, et il est même
mort dans mes bras. Cela a fait un tel scandale dans
l’administration que j’ai été licenciée de mon poste de
fonctionnaire, et expulsée de la résidence de la liberté.
Mais, cette liberté que je prenais avec les hommes, je n’en
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