Faux-fuyants et vraies fuites Gilles Josse 1/358

Faux-fuyants et vraies fuites Gilles Josse
Le superflu
Je me suis aperçu avec horreur aujourd'hui que j'étais
enchaîné au superflu, à l'accessoire, bien que j'aie envoyé
paître les vertus théologales, et autres billevesées du même
acabit, depuis le temps de ma première communion ; ça fait
déjà un bail. Ça s'est passé très simplement. J'ai une montre à
aiguilles qui affiche aussi la date et le mois, mais pas l'année.
Et c'est cette ridicule indication de l'année qui me manque, à
cette montre. J'en connais qui se pendraient pour moins que
ça ; avoue !
Je suis donc le deux décembre de je ne sais pas quelle
année. Je ne dis pas nous parce que je suis seul à part ce
matelot qui me nourrit ; ça ne se fait pas de dire nous, de soi
et de quelqu'un qui assume les fonctions d'un domestique.
Enfin merde, j'ai de l'éducation, quoi, si vous voyez ce que je
veux dire. En quelle année peut-il bien vivre lui ? La même
que la mienne ? Je ne saurais dire, tant son uniforme de marin
est intemporel, avec son béret et son polo rayé blanc et
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