Faux-fuyants et vraies fuites Gilles Josse 1/358

Faux-fuyants et vraies fuites Gilles Josse
déloger deux verres propres.
C’est le moment que choisit Anna pour émerger de son lit,
en chemise de nuit et les cheveux défaits, ce qui troubla
quelque peu Raymond, qui remarqua à peine la mine blafarde
et les cernes de la femme. Bizarrement, la venue de Raymond
sembla projeter une étincelle d’élan vital dans cette pauvre
carcasse avinée, et elle se mit en devoir de lui demander
l’objet de sa visite, ce qu’il s’empressa de faire, répétant son
histoire abracadabrante. La réaction d’Anna fut sidérante.
Elle éclata en sanglot et se mit à gémir :
— Ne me laissez pas ici ! Emmenez-moi, je vous en
supplie ! Emmenez-moi ou je me flingue par la fenêtre !
Raymond promena son regard d’elle à moi, complètement
décontenancé, et visiblement bouleversé par la demande de la
femme. Moi-même, j’étais surpris par le cri de ce cœur que je
croyais mort. J’intervins :
— Tu sais Raymond, c’est toi le propriétaire de la baleine,
maintenant. Je ne suis plus que le capitaine, et tu peux
emmener qui tu veux en croisière sur ta péniche…
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