Faux-fuyants et vraies fuites Gilles Josse 1/358

Faux-fuyants et vraies fuites Gilles Josse
doucement.
Je suis resté un bon moment devant et j’ai remarqué que
personne ne l’empruntait. Les gens passaient devant comme
s’il n’existait pas ; un escalator oublié en quelque sorte. Il
était déjà neuf heures trente et je serais en retard, quoiqu’il
arrive. Heures décomptées, prime d’assiduité envolée…
J’ai regardé autour de moi et je n’ai vu que des employés
de bureau comme moi, habillés à deux sous, qui seraient en
retard eux aussi. Tous faisaient grise mine. Les jours de
grève, c’est double compression dans le métro et les odeurs
en plus fort, cul contre cul, mains sur les barres poisseuses.
Que venait faire ici cet escalator ? La ligne X, c’est celle
qui mène aux quartiers d’affaires, empruntée par les cadres et
les possédants.
J’ai longtemps hésité et les minutes se sont égrenées face à
l’escalier mécanique qui n’emportait personne. Pourquoi
prendre la ligne X ? pour aller où ? Dans ma tête, les images
se succédaient, mon petit appartement chichement meublé,
mes voisins, la boulangère, mes vacances, une fois par an
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