Faux-fuyants et vraies fuites Gilles Josse 1/358

Faux-fuyants et vraies fuites Gilles Josse
rien derrière cette porte, moi, dans quel état j'erre ? Où-je,
que-je, qui-je ? Ma réalité fout le camp, et je m'étonne encore
de la solidité de la banquette où je m'affale, des tôles de cette
cabine, de la permanence des vibrations qui les agitent
gentiment.
Pour tromper la faim, j'ai sorti mon sexe tout mou et
tout fripé, et je l'ai plaqué sur la paroi vrombissante, comme
un troupeau de mouches vertes, ou ce bon vieux Georges,
quand il joue de la trompette avec sa bouche. Ça m'a détendu
un moment, à tel point que j'ai fini par m'endormir, sans m'en
apercevoir. Hum, tu t'en rends compte, toi l'asticot, quand tu
t'endors ?
Au milieu de ma « nuit », je me suis réveillé pour
trouver ma tambouille froide, dans cette assiette que le
matelot m'a glissée, à même le sol de la cabine. Et si demain,
il n'y avait plus rien non plus dans cette assiette, ni dans mes
veines et mon cœur qui bat ? Désincarné, désabusé,
insectisé ; quelle horreur !
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