Faux-fuyants et vraies fuites Gilles Josse 1/358

Faux-fuyants et vraies fuites Gilles Josse
Une sirène dans la nuit
Il n'y a pas de différence entre un corbeau ; c'est bien
une sirène que j'entends hurler dans la nuit. Ça a commencé
par un énorme fracas, accompagné d'un gémissement très
émouvant. Les machines mugissent elles-aussi. Les parois de
la cabine tremblent, mais ça ne me donne pas du tout envie
d'y plaquer mon gland pour me détendre, à ce moment précis.
J'ai un peu la gueule de bois, parce que ça ne fait pas plus de
deux heures que Ilek m'a laissé me coucher, après que nous
ayons torché notre litre journalier de Brouzna. Mais, malgré
ça, je sens bien qu'il se passe quelque chose, et que c'est
quelque chose qui craint.
Les machines se sont tues maintenant, mais la sirène
continue à hurler, accompagnée par de longues plaintes qui
semblent venir des profondeurs du Titanic lui-même.
J'entends courir dans le néant. Ça parle polonais. Où plutôt,
ça crie. A tous les coups, il est arrivé un truc grave à notre
rafiot, du genre collision ou bombardement. Mais pourtant,
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