Faux-fuyants et vraies fuites Gilles Josse 1/358

Faux-fuyants et vraies fuites Gilles Josse
Et mon seau ! Qu'est-ce que ça va lui procurer comme
sensation, à celui-ci, de faire un tour dans le néant derrière la
porte ? Je tente l'expérience immédiatement. Je pose le seau
dans le couloir en tendant le bras, pour éviter de regarder ce
rien qui ne me dit rien qui vaille. C'est idiot, mais j'ai toujours
eu le vertige.
Ça ne dit rien. Ça ne fait aucun bruit, comme si le
seau était de papier. Et moi, de quoi suis-je fait ? Ne serais-je
pas moi-même le sujet, voire même le produit d'une
expérience ? J'oublie.
Le lendemain, ça me rappelle qu'il va me falloir aller
chier sur la falaise, au bord du vide qui remplace la coursive.
J'ai simplifié mon univers matériel d'un objet banal et j'ai
maintenant une falaise d'aisance. L'expérience est concluante.
Mais l'expérience, m'a-t-on dit, c'est le peigne du chauve.
Qu'ai-je à faire d'un peigne, pour remplacer mon chiotte ! J'ai
le sentiment d'avoir agi un peu à la légère, même si c'était
dans l'intérêt de la science, ou peut-être plus modestement, du
savoir.
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