Faux-fuyants et vraies fuites Gilles Josse 1/358

Faux-fuyants et vraies fuites Gilles Josse
machines. Il n'y a pas plus délicat qu'une machine, à mettre
au point, à régler, à mettre au pas, en fin de compte, à dresser,
comme on dresse les ingénieurs à être des caniches, où les
femmes à être de bonnes ménagères.
Non, je plaisante ; ça, c'est du passé, et la femme est
émancipée, comme la crème est renversée, la banane
flambée, et le dollar dévalué. Mais tout ça ne me concerne
plus.
J'ai fini par remarquer que le matelot qui m'apportait
mon repas journalier ne fermait pas la porte de la cabine à
clé. Un jour, il faudra que je me lance dans l'exploration du
couloir. J'y songe. A quoi peut ressembler ce couloir ?
On pourrait dire que j'ai un projet. Je préfère mettre la
chose au conditionnel, car, pour moi, un projet, ça sent
presque aussi mauvais que mon seau, quand le matelot oublie
de le vider. C'est con, un matelot, parfois. Un projet, c'est
encore autre chose ; il y a du futur, là-dedans, c'est inévitable,
et peut-être quelque ultime désillusion. La fatalité, tu
connais ?
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