Faux-fuyants et vraies fuites Gilles Josse 1/358

Faux-fuyants et vraies fuites Gilles Josse
Légume quotidien
Je suis assis dans l'herbe rase, à quelques mètres des
barbelés qui protègent le camp des intrusions, et peut-être
même des évasions, qui sait. Un vent tourbillonnant pousse
des nuages noirs, bas sur l'horizon. Je remarque
machinalement un gardien qui remonte l'alignement des
tentes. Il s'approche de moi :
— Tu n'as rien à foutre, accusé Volodek ?
Le gros sous-officier qui m'a interrogé à mon arrivée
au camp n'a pas voulu me croire, quand je lui ai dit que je
m'appelais « Alain Bonaventure », et que je venais de France.
Il a décidé que j'étais un immigré clandestin polonais, et il
m'a surnommé Volodek. Ça l'a fait bien rire, comme quand on
retire la chaise de sous les fesses d'une grand-mère qui va
s’asseoir. J'ai appris par la suite que « Volodek » était un
synonyme de nigaud, en alaskaïen.
Je réponds tranquillement au gardien, en baissant les
yeux, pour ne pas l'énerver :
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