Faux-fuyants et vraies fuites Gilles Josse 1/358

Faux-fuyants et vraies fuites Gilles Josse
Le commandant est un homme sans façons ; il ne se
lave pas et ne s'en cache pas. Chez lui, ça sent bon comme
dans une ferme. Depuis qu'il a dû se défaire d'Adam, et le
laisser partir vers un autre camp, c'est moi qui remplace sa
valeureuse épouse. Comme il m'a dit très justement, « un
homme qui attend un enfant, ça reste un homme ». Je n'ai pas
rechigné ; la perspective de rejoindre mes amis singes et
polonais dans un endroit sinistre et glacial, pour y attendre la
mort en y subissant la torture, ne me convient guère.
Accessoirement, ça me rappelle aussi que je suis
toujours en guerre contre la Pologne et ses ressortissants,
n'ayant jamais eu l'idée de signer un traité de paix avec l'un
de leurs représentants. Pendant ce temps, Liberté chie sous lui
à qui mieux mieux ; c'est tout ce que j'attendais de lui, et je
suis un père nourricier comblé. Le torcher, le biberonner,
laver ses couches, ça me change des tenailles et du scalpel.
J'ai rajeuni de dix ans, et même le commandant s'en est
aperçu, qui, en homme éduqué et galant, m'en fait le
compliment, dès qu'il projette de me sauter.
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