Faux-fuyants et vraies fuites Gilles Josse 1/358

Faux-fuyants et vraies fuites Gilles Josse
— Je médite.
— Va méditer aux patates, accusé Volodek ; vite !
Ici, nous sommes tous accusés, je ne sais pas très bien
pourquoi. Mettons que les alaskaïens m'ont l'air très fiers de
leur beau pays, qu'ils n'entendent pas partager avec n'importe
qui et dans n'importe quelles conditions. Je me lève et je me
dirige vers les cuisines, sous l’œil courroucé du bonhomme.
Il s'en est fallu de peu qu'il ne m'assène un bon coup de
matraque, pour s'assurer de mon enthousiasme.
Est-ce que je me courrouce, moi, à passer mon temps
à éplucher des patates, depuis que j'ai débarqué au pays de
tous mes rêves dorés ? Si on me posait par hasard la question,
je pourrais affirmer que je fais d'indéniables efforts
d'intégration. On ne peut pas en dire autant de certains singes
du camp, qui glandent du matin au soir en se faisant les poux,
au prétexte qu'ils sont bourgeois, fainéants, et suffisamment
friqués pour filer un bifton ou deux aux gardiens, de temps en
temps, pour qu'ils ferment les yeux sur leur scandaleuse
sinécure.
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