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LECTURE ANALYTIQUE (textеs des écrivains français du XIXe siècle)

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– Qu’as-tu fait de mon Phœbus?<br />

– Il est mort, dit le prètre.<br />

En ce moment le misérable archidiacre leva la tète machinalement, et vit à<br />

l’autre bout de la place, au balcon <strong>du</strong> logis Condelaurier, le capitaine debout<br />

près de Fleur-de-Lys. Il chancela, passa la main sur ses yeux, regarda encore,<br />

murmura une malédiction, et tous ses traits se contractèrent violemment.<br />

– Eh bien! meurs, toi! dit-il entre ses dents. Personne ne t’aura. Alors<br />

levant la main sur l’Egyptienne, il s’écria d'une voix funèbre:<br />

– I nunc, anima anceps, et sit tibi Deus misericors! C’était la redoutable<br />

formule dont on avait coutume de clore ces sombres cérémonies. C’était le<br />

signal convenu <strong>du</strong> prêtre au bourreau.<br />

Le peuple s’agenouilla.<br />

– Kyrie Eleison, dirent les prêtres restés sous l’ogive <strong>du</strong> portail.<br />

– Kyrie Eleison, répéta la foule avec ce murmure qui court sur toutes les<br />

têtes comme le clapotement d'une mer agitée.<br />

– Amen, dit l'archidiacre.<br />

Il tourna le dos à la condamnée, sa tête retomba sur sa poitrine, ses mains<br />

se croisèrent, il rejoignit son cortège de prêtres, et un moment après on le vit<br />

disparaître, avec la croix, les cierges et les chapes, sous les arceaux brumeux de<br />

la cathédrale; et sa voix sonore s’éteignit par degrés dans le chœur. [...]<br />

En même temps le retentissement intermittent de la hampe terrée <strong>des</strong><br />

hallebar<strong>des</strong> <strong>des</strong> suisses, mourant peu à peu sous les entre-colonnements de la<br />

nef, faisait l’effet d'un marteau d'horloge sonnant la dernière heure de la<br />

condamnée.<br />

Cependant les portes de Notre-Dame étaient restées ouvertes, laissant voir<br />

l’église vide, désolée, eu deuil, sans cierges et sans voix.<br />

La condamnée demeurait immobile à sa place, attendant qu’on disposât<br />

d'elle. Il fallut qu’un <strong>des</strong> sergents à verge en avertît maître Charmolue, qui,<br />

pendant toute cette scène, s’était mis à étudier le bas-relief <strong>du</strong> grand portail qui<br />

représente, selon les uns, le sacrifice d'Abraham, selon les autres, l’opération<br />

philosophale, figurant le soleil par l'ange, le feu par le fagot, l'artisan par<br />

Abraham.<br />

On eut assez de peine à l’arracher à cette contemplation, mais enfin il se<br />

retourna, et à un signe qu’il fit deux hommes vêtus de jaune, les valets <strong>du</strong><br />

bourreau, s’approchèrent de l’Egyptienne pour lui rattacher les mains.<br />

La malheureuse, au moment de remonter dans le tombereau fatal et de<br />

s’acheminer vers sa dernière station, fut prise peut-être de quelque déchirant<br />

regret de la vie. Elle leva ses yeux rouges et secs vers le ciel, vers le soleil, vers<br />

les nuages d’argent coupés ça et là de trapèzes et de triangles bleus, puis elle les<br />

abaissa autour d’elle, sur la terre, sur la foule, sur les maisons... Tout à coup,<br />

tandis que l’homme jaune lui liait les cou<strong>des</strong>, elle poussa un cri terrible, un cri<br />

de joie. A ce balcon, là-bas, à l’angle de la place, elle venait de l’apercevoir, lui,<br />

son ami, son seigneur, Phœbus, l’autre apparition de sa vie! Le juge avait menti!<br />

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