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LECTURE ANALYTIQUE (textеs des écrivains français du XIXe siècle)

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Mâtho la contemplait, ébloui par les splendeurs de sa tête, et, tendant vers<br />

elle le zaïmph, il allait l’envelopper dans une étreinte. Elle écartait les bras. Tout<br />

à coup elle s’arrêta, et ils restèrent béants à se regarder.<br />

Sans comprendre ce qu’il sollicitait, une horreur la saisit. Ses sourcils<br />

minces remontèrent, ses lèvres s’ouvraient; elle tremblait. Enfin, elle frappa<br />

dans une <strong>des</strong> patères d’airain qui pendaient aux coins <strong>du</strong> matelas rouge, en<br />

criant:<br />

– Au secours! au secours! Arrière, sacrilège! infâme! maudit! A moi!<br />

Et la figure de Spendius effarée, apparaissant dans la muraille entre les<br />

buires d’argile, jeta ces mots:<br />

– Fuis donc! ils accourent!<br />

Un grand tumulte monta en ébranlant les escaliers, et un flot de monde, <strong>des</strong><br />

femmes, <strong>des</strong> valets, <strong>des</strong> esclaves, s’élancèrent dans la chambre avec <strong>des</strong> épieux,<br />

<strong>des</strong> casse-tête, <strong>des</strong> coutelas, <strong>des</strong> poignards. Ils furent comme paralysés<br />

d’indignation en apercevant un homme; les servantes poussaient le hurlement<br />

<strong>des</strong> funérailles, et les eunuques pâlissaient sous leur peau noire.<br />

– Mâtho se tenait derrière les balustra<strong>des</strong>. Avec le zaïmph qui<br />

l’enveloppait, il semblait un dieu sidéral tout environné <strong>du</strong> firmament. Les esclaves<br />

s’allaient jeter sur lui. Elle les arrêta.<br />

– N’y touchez pas! C’est le manteau de la Déesse!<br />

Elle s’était reculée dans un angle; mais elle fit un pas vers lui, et,<br />

allongeant son bras nu:<br />

– Malédiction sur toi qui as dérobé Tanit! Haine, vengeance, massacre et<br />

douleur! Que Gurzil, dieu <strong>des</strong> batailles, te déchire! que Mastiman, dieu <strong>des</strong><br />

morts, t’étouffe! et que l’Autre, – celui qu’il ne faut pas nommer, – te brûle!<br />

Mâtho poussa un cri comme à la blessure d’une épée. Elle répéta plusieurs<br />

fois:<br />

– Va-t’en! va-t’en!<br />

La foule <strong>des</strong> serviteurs s’écarta, et Mâtho, baissant la tête, passa lentement<br />

au milieu d’eux: à la porte il s’arrêta, car la frange <strong>du</strong> zaïmph s’était accrochée à<br />

une <strong>des</strong> étoiles d’or qui pavaient les dalles. Il le tira brusquement d’un coup<br />

d’épaule, et <strong>des</strong>cendit les escaliers.<br />

Remarques<br />

Carthage – ancienne ville de l’Afrique <strong>du</strong> Nord fondée au VIIe <strong>siècle</strong> avant<br />

J.-C. par les Phéniciens, près de l’actuel Tunis. Sa rivalité avec Rome fut la cause<br />

<strong>des</strong> «guerres puniques». Elle fut détruite par les Romains en 146 avant J.-C.<br />

Tanit ou mieux Tinnit (religion punique) – déesse, une <strong>des</strong> formes<br />

d’Ashart, formant avec Baal Hammon le grand couple divin protecteur de<br />

Carthage. Son origine, libyenne ou phénicienne, reste discutée.<br />

Zaïmph – le voile de la déesse.<br />

Le royaume <strong>des</strong> Ombres – le monde <strong>des</strong> morts.<br />

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