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DE LA RECONFIGURATION DES SERVICES DE SANTÉ MENTALE ...

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Il y a ici un risque de surenchère à médicaliser dès l'enfance tous les malheurs existentiels et à<br />

leur apporter pour seule réponse une médication que l'on dit «appropriée». Des problèmes<br />

existentiels (hyperactivité, «syndrome prémenstruel», épuisement professionnel, alcoolisme,<br />

toxicomanies, etc.) laissent progressivement le cadre sociopolitique de leur naissance pour<br />

passer sous la coupe du paradigme biomédical. Ce risque est d'autant plus inquiétant qu'il<br />

côtoie un discours préventif de plus en plus prégnant.<br />

En dépit de cette tendance à la médicalisation concomittante à la désinstitutionnalisation,<br />

d'autres aspects positifs existent si l'on se donne la peine de les recenser. Parmi ceux-ci le fait<br />

que la psychiatrie sorte de l'asile et s'ouvre davantage sur l'extérieur a certainement participé<br />

à la démystification des méthodes thérapeutiques. Derrière les remparts de l'asile,<br />

l'imaginaire social avait tendance à exagérer les diverses interventions thérapeutiques de la<br />

psychiatrie, que l'on pense ici à la célèbre iconographie représentant un guérisseur armé d'un<br />

vilebrequin cherchant compulsivement la pierre philosophale de la folie dans le crâne d'un<br />

fou solidement attaché à une chaise ou à des films comme Vol au dessus d’un nid de coucou<br />

(One flew over the cuckoo’s nest) du cinéaste d’origine Tchèque Milos Forman. Contrairement à<br />

l'exercice de la «médecine des insensés» dans les asiles d'autrefois, la pratique de la<br />

psychiatrie en hôpital général, en clinique externe et aussi en bureau privé a contribué à la<br />

rapprocher du monde ordinaire, de la vie en général.<br />

Le changement sémantique de notion – maladie versus trouble mental, problèmes de santé<br />

mentale – a contribué à adoucir la représentation séculaire terrifiante de la folie. Plus qu'un<br />

simple ajustement «politically correct», il s'agit pour le patient psychiatrique, si l'on croit au<br />

pouvoir cabalistique des mots, d'un passeport qui facilite quelque peu le passage au<br />

tourniquet de la vie en société.<br />

Le succès de la désinstitutionnalisation pose aussi la question de la capacité d'accueil et<br />

d'acceptation de la communauté à l'égard des personnes manifestant des troubles mentaux. Il<br />

faut se rappeler que l'asile constituait pour les Québécois une réponse bien ancrée au<br />

problème de la folie avant que ne s'amorce la désinstitutionnalisation. Autour de cette<br />

pratique sociale plus que centenaire, il s'est, en effet, construit toutes sortes de croyances et de<br />

préjugés à l'égard des personnes ayant des problèmes mentaux (dangereuses, imprévisibles,<br />

etc.). Plusieurs chercheurs ont ainsi relevé le fait que, dans la première vague de<br />

désinstitutionnalisation, la communauté étant mal préparée à recevoir les patients<br />

déshospitalisés, on a surévalué son niveau de tolérance (C.S.M.Q., 1981; Dorvil, 1987a, 1988;<br />

Dulac, Corin et Murphy, 1988; Guberman, Dorvil et Maheu, 1987; Langlois, 1975). Le retour<br />

des patients psychiatriques dans la communauté se heurta donc au peu d'ouverture des<br />

communautés à leur égard : «Les normaux se montrent plus que réticents à partager leur<br />

espace social avec ces nouveaux venus. (Dorvil et al., 1995, p. 7)»<br />

Par contre, plusieurs études démontrent, depuis l'amorce du mouvement de désinstitutionnalisation,<br />

qu'il y a une évolution, lente mais positive quant aux perceptions et attitudes<br />

des Québécois à l'égard des personnes ayant des problèmes mentaux. Les résultats font<br />

ressortir que plus la communauté entre en contact et côtoie les personnes ayant des<br />

problèmes de santé mentale, plus les préjugés, notamment celui de la dangerosité, et les<br />

attitudes de méfiance s'estompent (Dorvil, 1988; Dorvil et al., 1995; Lamontagne, 1993;<br />

St-Laurent et Clarkson, 1989; Maheu et Dorvil, 1994).<br />

Défis de la reconfiguration des services de santé mentale

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