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L'idée de la chute dans l'Anthologie du portrait de Cioran

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p.101 sur 112<br />

valeur...« objective », il ne pourrait rien préférer, donc, rien approfondir. C'est à force <strong>de</strong><br />

dénaturer tout qu'il atteint à <strong>la</strong> vérité. (C, p.651)<br />

Cette dénaturation, qui provient d'une sensibilité exacerbée, d'une réaction<br />

disproportionnée, ne se provoque pas. Elle est l'apanage <strong>de</strong>s souffrants, voilà pourquoi ce sont eux<br />

que <strong>Cioran</strong> considère les plus aptes à exprimer le vrai : « Parmi les écrivains, tous sont faiseurs,<br />

sauf les ma<strong>la</strong><strong>de</strong>s et les malheureux. » (C, p.555). Voilà comme <strong>Cioran</strong> distingue les moralistes,<br />

louant Pascal au détriment <strong>de</strong>s autres :<br />

L'éten<strong>du</strong>e et <strong>la</strong> profon<strong>de</strong>ur d'un esprit se mesurent aux souffrances qu'il a assumées pour<br />

acquérir le savoir. Personne ne sait sans avoir traversé <strong>de</strong>s épreuves. Un esprit subtil peut être<br />

parfaitement superficiel. Il faut payer pour le moindre pas vers le savoir. (C, p.41)<br />

Cette idée se retrouve chez Proust qui, également, lie <strong>la</strong> souffrance à <strong>la</strong> connaissance : « Les idées<br />

sont <strong>de</strong>s succédanés <strong>de</strong>s chagrins 75 . »<br />

D'autre part, si <strong>la</strong> vérité est « ce qui gène <strong>la</strong> vie, qui y contredit même » (C, p.950), les<br />

moralistes, <strong>dans</strong> <strong>la</strong> lignée d'un Pascal davantage que d'un Montaigne, sont les mieux p<strong>la</strong>cés pour<br />

l'incarner, jusque <strong>dans</strong> leur manière <strong>de</strong> se réapproprier <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue. Par cette <strong>de</strong>scription <strong>de</strong> l'écrivain<br />

qui touche juste, on aura notamment reconnu Saint-Simon et <strong>Cioran</strong> lui-même.<br />

3) Le fragment<br />

Le corol<strong>la</strong>ire <strong>de</strong> cette façon d'envisager <strong>la</strong> vérité est <strong>la</strong> préférence pour <strong>de</strong>s formes<br />

brèves, qui bannissent l'approfondissement par le travail <strong>de</strong> l'intellect, afin <strong>de</strong> privilégier<br />

l'expression <strong>de</strong> <strong>la</strong> sensation, seule apte à saisir une vérité profon<strong>de</strong>. Ainsi, pour <strong>Cioran</strong>, « le <strong>portrait</strong><br />

est le plus souvent une maxime, dé<strong>la</strong>yée chez certains, étoffée chez d'autres ». (A, p.16). La maxime<br />

elle-même est à son tour <strong>la</strong> forme modèle et privilégiée chez <strong>Cioran</strong>, en ce qu'elle bannit les<br />

démonstrations ou les pro<strong>du</strong>ctions <strong>de</strong> l'intelligence, assimilées à <strong>du</strong> verbiage, dénué <strong>de</strong> réalité et<br />

75 Citation <strong>de</strong> Marcel Proust qui figure p.666 <strong>de</strong>s œuvres <strong>de</strong> <strong>Cioran</strong>

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