14.06.2014 Views

L'idée de la chute dans l'Anthologie du portrait de Cioran

L'idée de la chute dans l'Anthologie du portrait de Cioran

L'idée de la chute dans l'Anthologie du portrait de Cioran

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

p.78 sur 112<br />

en ordonnera » (A, p71). Elle est enfin « un être qui n'a rien <strong>de</strong> commun avec les autres êtres que <strong>la</strong><br />

forme extérieure : elle a l'usage et l'apparence <strong>de</strong> tout, et elle n'a <strong>la</strong> propriété ni <strong>la</strong> réalité <strong>de</strong> rien »<br />

(A, p.71). La vanité <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>du</strong>chesse <strong>de</strong> Chaulnes est telle que Mme <strong>du</strong> Deffand lui dénie toute trace<br />

d'être intérieur.<br />

La superficialité, le paraître, se manifestent encore par le <strong>la</strong>ngage. Parfois <strong>de</strong> façon<br />

directe, c'est le cas <strong>de</strong> Mme <strong>de</strong> Coislin : « les histoires que faisait Mme <strong>de</strong> Coislin ne pouvaient se<br />

retenir, car il n'y avait rien <strong>de</strong><strong>dans</strong> ; tout était <strong>dans</strong> <strong>la</strong> pantomime, l'accent et l'air <strong>de</strong> <strong>la</strong> conteuse :<br />

jamais elle ne riait » (A, p.182-183). D'autres fois <strong>de</strong> façon indirecte, c'est le cas <strong>de</strong> Guizot : « Ce<br />

besoin d'étaler con<strong>du</strong>it à simuler, et, à <strong>la</strong> réalité <strong>de</strong> ce qu'il vaut, il ajoute <strong>la</strong> fiction <strong>du</strong> mérite dont il<br />

n'aurait pas besoin, il joue le personnage <strong>de</strong> l'homme complet » (A, p.201-202).<br />

La vanité existentielle amène enfin <strong>de</strong>s remarques quant au style chez M. <strong>de</strong> Pradt, qui<br />

fait <strong>de</strong>s reproches formels aux critiques <strong>de</strong> Phi<strong>la</strong>rète Chasles, lui reprochant « <strong>la</strong> familiarité <strong>de</strong> sa<br />

critique », ainsi que « <strong>la</strong> grossièreté <strong>de</strong> ses expressions » (A, p.263). Cette vanité provient d'un<br />

manque d'introspection chez <strong>de</strong> Pradt, et Phi<strong>la</strong>rète Chasles détaille à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> son <strong>portrait</strong> les<br />

problèmes occasionnés par une introspection dévoyée, qui ne s'adresse plus à son être intérieur,<br />

mais à d'autres hommes :<br />

Les hommes <strong>du</strong> mon<strong>de</strong> <strong>la</strong>tin ne se consultent jamais eux-mêmes ; ils ne se confessent qu'aux<br />

autres, tant ils sont sociables. Ils se confessent : 1° au prêtre pour leur âme ; 2° au commissaire<br />

<strong>de</strong> police pour leur actes ; 3° au voisin et à <strong>la</strong> voisine pour leurs mœurs. La première <strong>de</strong> ces<br />

confessions sociales pro<strong>du</strong>it l'idolâtrie ; <strong>la</strong> <strong>de</strong>uxième <strong>la</strong> servilité ; <strong>la</strong> troisième les cancans et les<br />

manœuvres. Toutes les trois rétrécissent l'intelligence, abaissent le sens moral et faussent <strong>la</strong> vie<br />

sociale. (A, p.264)<br />

Comme <strong>de</strong> Pradt, qui reproche à Phi<strong>la</strong>rète Chasles <strong>la</strong> forme sous <strong>la</strong>quelle il amène ses<br />

critiques, le Régent accor<strong>de</strong> plus d'importance aux formes, au point <strong>de</strong> faire <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique un<br />

prétexte pour p<strong>la</strong>cer quelques expressions bien tournées, comme le raconte <strong>Cioran</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong> préface<br />

<strong>de</strong> <strong>l'Anthologie</strong> <strong>du</strong> <strong>portrait</strong> : « Il traitait les affaires d'Etat avec <strong>la</strong> même désinvolture que les affaires

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!