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L'idée de la chute dans l'Anthologie du portrait de Cioran

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p.104 sur 112<br />

qu'il y avait <strong>de</strong> mieux à faire, c'était là bien réellement l'art et le secret <strong>de</strong> Brienne. Il ne montrait<br />

<strong>de</strong> lui que <strong>de</strong>s échantillons : encore bien souvent n'étaient-ils pas <strong>de</strong> son étoffe. (A, pp.75-76)<br />

Marat est un homme fragmenté, dont les discours sont aussi marqués par cette<br />

fragmentation : « Il semb<strong>la</strong>it voir un polichinelle dont on tirait tantôt <strong>la</strong> tête et tantôt les bras. Tout<br />

était coupé, décousu <strong>dans</strong> ses discours comme <strong>dans</strong> ses gestes. » (A, p.122) Mme <strong>de</strong> Rémusat dit <strong>de</strong><br />

Talleyrand qu' « Il a (...) ce qu'on appelle <strong>du</strong> décousu » (A, p.164), et Benjamin Constant fait preuve<br />

d'une « amertume épigrammatique » (A, p.204). Chez lui ce n'est pas le style qui est marqué par <strong>la</strong><br />

sensation, mais <strong>la</strong> sensation par le style. La <strong>la</strong>ngue <strong>de</strong> Napoléon est décousue : <strong>de</strong> Pradt évoque<br />

ainsi l' « incorrection (...) <strong>de</strong> son <strong>la</strong>ngage, toujours un peu imprégné d'étrangeté » (A, p.168). Il est<br />

enfin possible <strong>de</strong> signaler le cas particulier <strong>du</strong> comte d'Espinchal. Mme Vigée le Brun affirme à<br />

propos <strong>de</strong>s notes que celui-ci prenait chaque soir sur les gens qui l'entouraient : « Il est certain<br />

qu'elles auraient pu fournir <strong>la</strong> matière d'un ouvrage très piquant, mais bien certainement aussi très<br />

scandaleux » (A, p.150). Mme Vigée le Brun en fait un mémorialiste en puissance, dont les<br />

<strong>portrait</strong>s, si son œuvre avait pu être pro<strong>du</strong>ite, mais elle était bien trop marquée par l'incomplétu<strong>de</strong> et<br />

l'échec pour ce<strong>la</strong>, n'auraient sans doute pas dépareillés au sein <strong>de</strong> <strong>l'Anthologie</strong> <strong>du</strong> <strong>portrait</strong> ellemême.<br />

4) Le paradoxe<br />

L'œuvre fragmentée <strong>de</strong> <strong>Cioran</strong> est souvent présentée comme un travail tissé autour <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

notion <strong>de</strong> paradoxe, par le dialogue contradictoire tissé entre les différents aphorismes <strong>de</strong> l'auteur.<br />

Mais pour Simona Modreanu, il exprime ainsi l'idée <strong>de</strong> <strong>la</strong> Chute jusqu'à son acceptation <strong>du</strong><br />

paradoxe et sa présence <strong>dans</strong> son œuvre :<br />

Le paradoxe est pour lui une incapacité à être naturellement <strong>dans</strong> le mon<strong>de</strong>. En fait, <strong>Cioran</strong> vit le<br />

paradoxe comme <strong>la</strong> figure par excellence <strong>de</strong> <strong>la</strong> Chute. Donc comme une matérialisation <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

différence. C'est une matérialisation <strong>de</strong> cette ironie <strong>de</strong> <strong>la</strong> condition humaine, et une ironie

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