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L'idée de la chute dans l'Anthologie du portrait de Cioran

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p.20 sur 112<br />

1) Le mystère <strong>de</strong> l'homme intérieur<br />

Dans sa préface, <strong>Cioran</strong> défend <strong>la</strong> convocation plus ou moins consciente <strong>de</strong> l'homme<br />

intérieur par ce mystère inhérent aux êtres qui force les <strong>portrait</strong>istes à avoir recours à ce concept. Ce<br />

mystère est le fait <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>du</strong>plicité d'un être (son caractère double et hypocrite tout à <strong>la</strong> fois) : « un<br />

être sans <strong>du</strong>plicité manque <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>ur et <strong>de</strong> mystère ; il ne cache rien. L'impureté seule est signe<br />

<strong>de</strong> réalité. » (Œ, p.598). Ce mystère, <strong>de</strong>rrière lequel se cache <strong>la</strong> complexité et l'impureté humaine,<br />

est lui-même rarement explicite <strong>dans</strong> les différents <strong>portrait</strong>s proposés par <strong>l'Anthologie</strong> <strong>du</strong> <strong>portrait</strong>.<br />

Néanmoins, on le trouve explicitement à plusieurs endroits. C'est d'abord <strong>la</strong> princesse <strong>de</strong> Talmont<br />

qui est d'un caractère mystérieux : « C'est un mé<strong>la</strong>nge <strong>de</strong> tant <strong>de</strong> bien et <strong>de</strong> tant <strong>de</strong> mal, que l'on ne<br />

saurait avoir pour elle aucun sentiment bien décidé : elle p<strong>la</strong>ît, elle choque, on l'aime, on <strong>la</strong> hait, on<br />

<strong>la</strong> cherche, on l'évite. On dirait qu'elle communique aux autres <strong>la</strong> bizarrerie <strong>de</strong> son caractère. » (A,<br />

p.69). C'est également l'esprit <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>du</strong>chesse <strong>de</strong> Chaulnes qui pose problème à Mme <strong>du</strong> Deffand :<br />

« L'esprit <strong>de</strong> Mme <strong>la</strong> <strong>du</strong>chesse <strong>de</strong> Chaulnes est si singulier, qu'il est impossible <strong>de</strong> le définir » (A,<br />

p.70). Marmontel également avoue le mystère qu'il peine à éc<strong>la</strong>ircir, à propos <strong>du</strong> caractère <strong>de</strong> Mme<br />

Geoffrin : « C'était un caractère singulier que le sien, et difficile à saisir et à peindre, parce qu'il était<br />

tout en <strong>de</strong>mi teinte et en nuances ; » (A, p.79). Il n'a toutefois pas recours à l'argument <strong>du</strong> mystère<br />

mais à celui d'une complexité, qui n'en <strong>la</strong>isse pas moins d'être problématique. C'est encore<br />

Talleyrand qui est victime, avec le <strong>portrait</strong> <strong>de</strong> Sieyès, d'un aveuglement par <strong>de</strong> mystérieuses<br />

ténèbres qui l'empêchent <strong>de</strong> le percer à jour : « Sieyès est (...) ténébreux <strong>dans</strong> sa manière d'être. »<br />

(A, p.154). Enfin Tocqueville, qui <strong>portrait</strong>ure Louis Napoléon, présente <strong>la</strong> <strong>du</strong>plicité <strong>de</strong> son i<strong>de</strong>ntité,<br />

mais ne parvient pas davantage à y voir c<strong>la</strong>ir, et se trouve forcé d'intro<strong>du</strong>ire les notions<br />

insaisissables d'aventure et <strong>de</strong> hasard. Il estime en effet que Louis Napoléon fréquente encore « <strong>la</strong><br />

valetaille » bien qu'il n'y soit plus forcé et que « lui-même, à travers ses bonnes manières, <strong>la</strong>iss[e]<br />

percer quelque chose qui sen[t] l'aventurier et le prince <strong>de</strong> hasard » (A, p.280). Cependant, cette<br />

<strong>du</strong>plicité mystérieuse s'évanouit à <strong>la</strong> lecture <strong>de</strong>s Oeuvres <strong>de</strong> Tocqueville. S'il montre effectivement

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