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L'idée de la chute dans l'Anthologie du portrait de Cioran

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p.69 sur 112<br />

Ce qui vit sans mémoire n'est pas sorti <strong>du</strong> Paradis : les p<strong>la</strong>ntes s'y délectent toujours. Elles ne<br />

furent pas condamnées au Péché, à cette impossibilité d'oublier ; mais nous, remords ambu<strong>la</strong>nts,<br />

etc., etc.<br />

(Regretter le paradis ! – On ne saurait être plus démodé, ni pousser plus loin <strong>la</strong> passion <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

désuétu<strong>de</strong> ou le provincialisme.) (Œ, pp.788-789)<br />

C'est <strong>la</strong> connaissance qui est <strong>la</strong> racine <strong>de</strong> <strong>la</strong> douleur chez <strong>Cioran</strong>. « Rien <strong>de</strong> ce que nous<br />

savons ne reste sans expiation » affirme-t-il (Œ, p.350). Souffrance et connaissance sont <strong>de</strong>ux<br />

notions intimement liés chez lui. Car si <strong>la</strong> secon<strong>de</strong> engendre <strong>la</strong> première, <strong>la</strong> première engendre aussi<br />

<strong>la</strong> secon<strong>de</strong> : « La souffrance est l'unique cause <strong>de</strong> <strong>la</strong> conscience » écrivit Dostoïevski, que <strong>Cioran</strong><br />

cite à l'appui <strong>dans</strong> son œuvre (Œ, p.323). C'est ainsi un cercle vicieux qui naît <strong>de</strong> ce que <strong>Cioran</strong><br />

considère comme un besoin humain : « Nous ne saurions nous désintoxiquer <strong>de</strong> <strong>la</strong> connaissance (...)<br />

parce que l'organisme lui-même <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> » (Œ, p.350). Mais c'est aussi cette souffrance par <strong>la</strong><br />

connaissance qui est à l'origine d'une autre forme <strong>de</strong> connaissance, plus profon<strong>de</strong> et plus cruciale<br />

lorsque <strong>Cioran</strong> note que « celui qui n'a pas souffert <strong>de</strong> <strong>la</strong> connaissance n'aura rien connu » (Œ,<br />

p.101). C'est là <strong>la</strong> connaissance <strong>du</strong> moraliste.<br />

1) La lucidité<br />

Cette connaissance en question est une lucidité profon<strong>de</strong> que possè<strong>de</strong> l'homme sur sa<br />

condition, lucidité qui est partie intégrante <strong>de</strong> sa condition <strong>de</strong> déchu, puisque selon <strong>Cioran</strong>, « le<br />

ratage est un paroxysme <strong>de</strong> <strong>la</strong> lucidité » (Œ, p.321). Dans <strong>l'Anthologie</strong> <strong>du</strong> <strong>portrait</strong>, plusieurs<br />

<strong>portrait</strong>urés font preuve <strong>de</strong> cette lucidité. Ainsi, selon le <strong>portrait</strong> composé par Rivarol, Mirabeau<br />

était travaillé à <strong>la</strong> fois par son passé et son futur, par une peur à <strong>la</strong> fois d'une « <strong>de</strong>stinée incertaine »<br />

et <strong>de</strong>s « remords » (A, p.95). Mme Récamier, elle, <strong>dans</strong> le <strong>portrait</strong> <strong>de</strong> Sainte-Beuve, n'échappe pas<br />

aux remords lorsque « plus d'une fois en ses plus beaux jours, au milieu d'une fête dont elle était <strong>la</strong><br />

reine, se dérobant aux hommages, il lui arriva, disait-elle, <strong>de</strong> sortir un moment pour pleurer » ( A,

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