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L'idée de la chute dans l'Anthologie du portrait de Cioran

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<strong>la</strong> route qu'il lui appartenait <strong>de</strong> suivre. » (A, p.254). De <strong>la</strong> sorte, son être intérieur influe sur son<br />

comportement <strong>dans</strong> le mon<strong>de</strong>, en lui imposant notamment, par <strong>la</strong> souffrance, différents itinéraires.<br />

Très superstitieuse, elle croit en une « voix », contre <strong>la</strong>quelle elle est en lutte : « Elle se débat<br />

vainement contre <strong>la</strong> volonté <strong>de</strong> <strong>la</strong> voix ; Elle prie, elle jeûne, elle implore que ce calice s'éloigne<br />

d'elle : <strong>la</strong> voix est impitoyable, il faut obéir » (A, p.255). Mme <strong>de</strong> Krü<strong>de</strong>ner est l'exemple <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

mystique, en qui l'être intérieur, très présent, est une cause <strong>de</strong> douleurs et <strong>de</strong> contritions <strong>dans</strong> le<br />

mon<strong>de</strong>.<br />

Au contraire <strong>de</strong> l'activité <strong>de</strong> Mme <strong>de</strong> Krü<strong>de</strong>ner, qui prend sa source <strong>dans</strong> son i<strong>de</strong>ntité<br />

intérieure, chez Joubert, cette <strong>de</strong>rnière peut également contraindre à l'apathie : « Dieu sait quel bruit<br />

et quel mouvement se passaient intérieurement chez lui, pendant ce silence et ce repos qu'il<br />

s'ordonnait. » (A, p.184) écrit Chateaubriand. En effet, Joubert « se surveil<strong>la</strong>it pour arrêter ces<br />

émotions <strong>de</strong> l'âme qu'il croyait nuisible à sa santé, et toujours ses amis venaient déranger les<br />

précautions qu'il avait prises pour se bien porter, car il ne pouvait s'empêcher d'être ému <strong>de</strong> leur<br />

tristesse ou <strong>de</strong> leur joie » (A, p.184). « Egoïste qui ne s'occupait que <strong>de</strong>s autres » (A, p.184) comme<br />

le note Chateaubriand, à un é<strong>la</strong>n centripète puissant, il répond par un mouvement centrifuge : c'est<br />

son homme intérieur qui est le moteur <strong>de</strong> ses actes et détermine son rapport au mon<strong>de</strong>.<br />

Joubert, qui <strong>portrait</strong>ure Chateaubriand, lui « répond » en lui reprochant les excès<br />

inverses, c'est-à-dire d'être indifférent aux maux que ses manies peuvent causer, même aux<br />

malheureux. Pour Joubert, Chateaubriand n'a pas reçu cette « attention à autrui » (A, p.191), cette<br />

« occupation <strong>du</strong> sort <strong>de</strong>s autres et <strong>de</strong> détachement <strong>de</strong> soi » (A, p.191) parce qu'il ignore<br />

l'introspection pour tout ce qui a trait à autre chose qu'à son homme extérieur, ici désigné par « <strong>la</strong><br />

partie extérieure » <strong>de</strong> l'âme :<br />

Il ne se parle point, il ne s'écoute guère, il ne s'interroge jamais, à moins que ce ne soit pour<br />

savoir si <strong>la</strong> partie extérieure <strong>de</strong> son âme, je veux dire son goût et son imagination sont contents,<br />

si sa pensée s'est arrondie, si ses phrases sont bien sonnantes, si ses images sont bien peintes,

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